Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées
Bonjour à tous, je vous propose que nous commencions notre réunion.
C'est un grand plaisir de vous accueillir ici, à l'espace Jean Vilar, où j'ai déjà eu l'opportunité de connaître, puisqu'on a fait ensemble avec Élisabeth Laithier, on a organisé un des ateliers territoriaux de la concertation sur le service public de la petite enfance, et on a plaisir à revenir ici aujourd'hui. En tout cas merci beaucoup, pour certains d'entre vous, d'être venus de très loin, pour d'autres de nous accueillir ici chez vous, parlementaires, élus, on sera rejoints par la Première Ministre et des parlementaires.
On a une séquence pour procéder à la restitution d'un long travail, de longs mois, qui a mobilisé beaucoup d'acteurs sur le territoire, à la fois nationale, une concertation que j'ai conduite moi-même, avec les associations d'élus, la CNAF, vous madame la présidente, avec aussi les professionnels de la petite enfance, car depuis la nomination, j'ai eu à cœur de travailler à vos côtés, dès le mois de juillet dernier, pour se mobiliser et arriver aujourd'hui à vous présenter les résultats de nos travaux qui ont été extrêmement riches. Je profite de cette occasion pour remercier chacune, chacun d'entre vous pour vous être engagés dans cette concertation. Madame Élisabeth Laithier qui a bien voulu accepter d'animer la concertation territoriale vous le dira sans doute mieux que moi tout à l'heure, mais les échanges ont été particulièrement riches et toute la matière remontée a été très riche et elle montre l'engagement de tous et les attentes de chacun sur cette politique.
Je vais commencer cette introduction en plantant le décor, en revenant sur les attentes. Ensuite, Élisabeth reviendra sur les retours de la concertation et la Première Ministre viendra présenter le plan du gouvernement pour transformer cette politique de la petite enfance dans notre pays. Je manque à tous mes devoirs, je n'ai pas salué ma collègue Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, ça nous fait plaisir d'être ensemble ce matin car nous travaillons ensemble sur ces questions de l'enfance, merci Charlotte d'être là ce matin.
Pour planter le décor, vous dire que pendant toute cette concertation, et j'en profite aussi pour saluer tous ceux qui sont à distance ce matin, on a rencontré de nombreux parents, de nombreux professionnels, de nombreux élus, mais la base de tout, le point de départ, c'est vraiment cette attente des parents, cette première attente des parents qui s'est manifestée: trouver une place d'accueil pour leurs jeunes enfants et manifester la galère qu'ils rencontrent au quotidien pour y parvenir.
Quelques chiffres, vous dire, vous le savez tous, que cette recherche, ce parcours du combattant pour trouver un mode d'accueil est souvent source d'angoisse, des difficultés qui nous ont été exprimées par 61 % des parents qui nous disent connaître un stress important dans cette recherche. C'est vous dire que c'est une préoccupation vraiment importante. La moitié des parents qui auraient aussi souhaité davantage d'informations. Une recherche qui par conséquent débute très tôt, au moment de la conception de l'enfant, donc qui débute bien avant la naissance de l'enfant. Pour 61 % des parents là aussi, pendant la grossesse et plus d'un tiers des parents dont la recherche a duré plus de trois mois.
Donc pour manifester cette difficulté. Vous dire aussi que derrière ces difficultés, il y a aussi une insatisfaction qui peut être exprimée, d'abord liée au manque d'accessibilité de l'offre, manque de proximité dans l'offre d'accueil, des difficultés d'accès financières, et on le sait, travailler sur cette question dès la loi de protection sociale, sur le complément de mode de garde, mais ça reste un frein majeur, cette accessibilité financière de l'offre. La difficulté liée à la non-adaptation aux besoins de cette offre, notamment sur les horaires, les contraintes liées à l'organisation des services. Et quatrième préoccupation, celle d'un manque de confiance. Et j'y reviendrai, dans les modes d'accueil qui sont proposés.
Pour revenir sur la question de l'accessibilité, peut-être un panorama global. Notre pays compte 1,3 million de places d'accueil, c'est 60 % du besoin qui est couvert. Et on estime à environ 200 000 places le besoin pour couvrir l'écart entre ce qui existe aujourd'hui et les besoins exprimés par les familles. C'est une étude qui a renouvelé un besoin qu'on avait déjà constaté avant la campagne électorale, puisque le président de la République avait porté ce besoin pendant la campagne, c'est le Haut conseil à la famille, à l'enfance et à l'âge qui a renouvelé cette étude.
Et puis une situation qui s'est aggravée à cause de la pénurie de professionnels, qui est autant la cause que la manifestation des difficultés qu'on peut rencontrer dans ces établissements, et c'est une étude de la CNAF qui a été présentée dès juillet dernier, qui faisait état d'un besoin en professionnels dans les crèches de 10 000 personnels manquants, donc qui sont aujourd'hui recherchés. Et le besoin ne fera que s'amplifier dans les années qui viennent, du fait de la courbe démographique aussi de ces professionnels.
Vous dire aussi que ce manque d'accessibilité est très variable d'un territoire à l'autre, on a une grande inégalité en fonction des territoires. Vous le voyez, par rapport il y a une couverture moyenne de 60 %, on a des taux très différents. Il y a des départements avec le besoin couvert à près de 75 %, ce qui est très exceptionnel. On a la chance en Maine-et-Loire de bénéficier d'une offre relativement dense. Et cette offre est aussi très inégalement composée, et distribuée entre assistantes maternelles et établissements d'accueil du jeune enfant.
En vous rappelant que 60 % de l'offre est aujourd'hui couverte par les assistantes maternelles. Sur l'accessibilité financière, cet accès, il est marqué par des inégalités sociales et économiques qui sont très fortes. Pour les familles modestes, le reste à charge, notamment l'accueil individuel est aujourd'hui très important, supérieur à celui de l'accueil collectif. C'est pour ça qu'on a passé cette réforme du complément mode de garde, mais toujours difficile d'accéder à cette offre.
Cette inégalité se manifeste aussi par le fait que 71 % des familles qui vivent sous le seuil de pauvreté avec des enfants entre 3 mois et 3 ans, qui ne recourent à aucune solution d'accueil, contre 37 % pour la population générale. Et les familles les plus modestes ont les plus grandes difficultés à bénéficier et accéder à cet accueil. Que par ailleurs l'enjeu, il est extrêmement important, puisque, aujourd'hui, ce sont 150 000 parents qui renoncent à un emploi, essentiellement des femmes, pour pouvoir accompagner leur enfant.
Je vous le disais, cette inadaptation de l'offre, elle est liée au fait que l'offre n'est pas adaptée à la situation professionnelle, en particulier des familles, puisque beaucoup de professionnels, de travailleurs connaissent des horaires de travail atypiques. J'ai accueilli ce matin la Première Ministre dans une crèche à vocation d'insertion professionnelle, qui bénéficie d'une plage horaire très large, de 6h30 à 21h je crois, ce qui est exceptionnel. Mais on voit que dans notre pays, il y a beaucoup de salariés avec des horaires étendus, et dont le besoin en offre d'accueil n'est pas couvert. On le remarque puisque 9 parents en horaires atypiques sur 10 ont eu des difficultés à trouver une solution d'accueil. Et ils sont pour beaucoup insatisfaits. Ce qui fait qu'ils connaissent souvent des changements de mode d'accueil, ce qui n'est pas forcément non plus très bien pour les enfants.
Sur la question de la confiance, c'est directement lié à la qualité et sécurité des enfants dans ces établissements. Vous savez que lorsque j'ai été nommé ministre en juillet dernier, ma nomination faisait suite aussi à des événements dramatiques dans une crèche lyonnaise, et j'ai décidé de saisir immédiatement l'inspection générale des affaires sociales pour comprendre si le niveau de qualité et le dispositif mis en place était suffisant pour assurer la qualité et la sécurité des enfants dans les dispositifs de crèche.
Et puis nourrir aussi notre réflexion collective. On a parlé beaucoup de quantité, d'adaptation de l'offre, mais voilà, cette dimension qualitative est absolument essentielle. L'inspection générale a travaillé pendant plusieurs mois, investigué dans 8 départements, a également envoyé trois questionnaires aux établissements, aux parents, aux professionnels, qui ont reçu des réponses en nombre. C'est donc montrer l'intérêt pour les familles de ce sujet.
Les constats, vous les connaissez sans doute, mais je vais les rappeler. D'abord un constat d'une qualité très hétérogène dans les établissements rencontrés, des établissements à la fois de grande qualité, qui ont porté des réflexions pédagogiques approfondis, comme des établissements à la qualité très dégradée. Sans cibler d'ailleurs quelque secteur que ce soit, même si on sait que certains modèles sont plus fragiles que d'autres, mais ces réalités différentes, on le retrouve tant dans le public, l'associatif ou le privé commercial.
Un autre constat qui ne nous étonnera pas, c'est celui de la pénurie de professionnels qui touche le secteur, qui est à la fois un facteur aggravant de la situation autant qu'un symptôme de cette situation. C'est sans doute le plus grand défi que nous avons à relever si nous voulons relever la promesse que nous faisons avec ce service public de la petite enfance.
Et puis les inspecteurs ont proposé 39 recommandations qui ont été étudiées par les services du ministère dont j'ai la responsabilité pour pouvoir nourrir notre réflexion aujourd'hui. Notre engagement, c'est celui de refonder tout simplement la politique d'accueil du jeune enfant dans notre pays. Peut-être vous rappeler que c'est une priorité qui a été portée fortement par le président de la République pendant la campagne, en rappelant sa volonté de pouvoir répondre à ce besoin exprimé par les parents. Une politique qui a été également reprise comme l'une des priorités de la feuille de route des 100 jours de la Première Ministre, et elle le redira tout à l'heure.
Une politique de la petite enfance qui est au carrefour de trois enjeux majeurs: l'égalité des chances dès le plus jeune âge, et vous savez que c'est un axe de travail qui a été très puissant depuis 2017, notamment dans la lutte contre les inégalités de destin. Il se joue tellement de choses dans les trois premières années de la vie d'un enfant, du point de vue social, du point de vue de leur éducation, de leur développement, et il se joue beaucoup de choses sur la construction de la société. et puis l'autre axe, c'est sur le plein emploi. On ne devrait pas aujourd'hui avoir à faire un choix entre avoir un enfant, construire une famille et travailler. Et puis le troisième axe est celui de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est extrêmement important puisque la plupart des parents qui renoncent à cet emploi, ce sont des femmes. Et on voit que l'activité des mères chute avec l'arrivée des enfants, contrairement aux papas. Et un quatrième axe, c'est la natalité. On en parle beaucoup aujourd'hui, c'est un sujet qui doit être aussi porté et regardé à l'aune de cette politique publique.
Alors on porte dans ce cadre une double ambition, allier l'approfondissement de la qualité d'accueil et le développement de places. C'est un service public qui doit fonctionner sur deux jambes.
D'abord garantir une haute qualité d'accueil à tous les enfants. Je le disais, repositionner ce moment dans la politique des 1 000 premiers jours, les trois premières années où il se joue tant de choses, où les professionnels doivent accompagner les enfants qui sont d'une très grande vulnérabilité. Il faudra améliorer l'accueil, notamment en s'appuyant sur les 39 recommandations de l'inspection générale des affaires sociales. Et cette qualité dépend forcément de la qualité de vie au travail, des conditions de travail des professionnels dans le secteur.
La deuxième jambe, c'est le nombre, la quantité, garantir un développement suffisant des places d'accueil pour apporter une réponse, une solution adaptée à chaque famille, la création de 200 000 places supplémentaires, ce dont on a besoin. Et de lever tous les freins au développement de cette offre, et on a rencontré beaucoup d'acteurs sur le terrain, beaucoup d'élus, vous-même avez été élue. Et restaurer l'attractivité des métiers pour résoudre la pénurie des professionnels, attractivité qui est multi-facette, il y a beaucoup de leviers à travailler.
On n'a pas attendu cette concertation pour le faire, mais il faut accélérer, aller plus loin, car c'est le plus grand défi que nous avons à relever. On doit conduire un travail qui peut et à la chance de s'appuyer sur les avancées portées pendant la précédente mandature en matière d'accueil, notamment avec la structuration grâce à la réforme des services aux familles, qui a été initiée par l'ordonnance du 19 mai 2021, qui a permis de construire un cadre de qualité d'accueil, en rendant opposable la charte d'accueil des enfants notamment, avec la création du référent santé et accueil inclusif, extérieur obligatoire.
L'inscription de la définition de la maltraitance dans le code de l'action sociale et des familles, qui est un acte aussi extrêmement important.
Et le lancement de la démarche des 1000 premiers jours pour mieux ancrer les politiques de la petite enfance dans les dernières connaissances scientifiques sur le développement du jeune enfant, axe beaucoup souligné dans l'absence d'ancrage dans la formation des professionnels, dans les projets d'établissement.
En matière de développement de places d'accueil, la précédente mandature, grâce notamment au travail et la mobilisation de la CNAF et des CAF, a permis d'augmenter le nombre de places, je pense notamment avec le plan rebond petite enfance, 30 773 nouvelles places d'accueil du jeune enfant ont été financées entre 2018 et 2021, et 25 nouvelles places décidées en investissement entre 2021 et 2022. C'est une dynamique qu'il faut accélérer, mais elle est là, il faut la poursuivre. On a déjà des bonnes bases pour accélérer.
Et puis en matière de recherche, restauration de l'attractivité du secteur, des travaux ont été déjà conduits au niveau du comité de filière, sur les conditions de travail, sur le regard que la société porte sur ce secteur, sur l'organisation salariale, l'organisation du travail. Il y a déjà un gros travail qui a été fait, et merci à vous et ceux qui vous entourent et participent à ce comité de filière.
Cette concertation nationale et territoriale, elle a permis de croiser les regards et vous le détaillerez dans quelques instants. L'objectif était de partager un diagnostic, celui que je viens de vous partager, d'identifier les voies d'amélioration pour construire ensemble les solutions, car face à ce défi qui est quand même énorme, on doit pouvoir compter sur la mobilisation de tous.
La phase nationale, je vous l'ai dit, elle a permis de réunir et de concerter les principaux mouvements familiaux réunis à l'UNAF, les associations d'élus, maires et intercommunalités, on s'est rencontré au Congrès des maires. Les présidents et directeurs de caisses de la branche de la sécurité sociale, et les professionnels du secteur, avec une démarche ouverte. Il y a eu aussi des contributions spontanées de l'ensemble des acteurs. Et au-delà des réunions que nous avons pu organiser, des contacts réguliers avec chacune de ces instances. On a pu également profiter de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, pour construire cette vision et ces solutions.
La phase territoriale, c'est vous qui l'avez animée, chère Élisabeth, sur la diversité des situations locales, avec un enjeu national qui doit se décliner de manière très opérationnelle dans des territoires, très divers, donc en étant assez souple pour pouvoir s'y adapter. Et sur les différentes thématiques qui sont énoncées là, une politique au cœur du quotidien, gérée au plus près des territoires, avec une situation locale qui varie. Aussi en termes de besoins et d'offres, on a des réalités territoriales très différentes. Et des territoires qui doivent composer avec des difficultés, mais aussi des forces, des richesses diverses, mais qui savent aussi mettre en œuvre des leviers d'action et qui savent aussi innover, on a découvert plein de choses sur les territoires qui sont fabuleuses, qui vont permettre d'irriguer et nourrir ces solutions.
Je crois que c'est à vous, Élisabeth.
Élisabeth Laithier, présidente du comité de filière « petite enfance » et désignée rapporteure générale de la concertation
Merci beaucoup Monsieur le Ministre.
Alors 20 minutes pour résumer 5 mois de travaux, de kilomètres parcourus, de centaines de personnes rencontrées, de tous bords et de toutes professions, c'est un défi. C'est un défi que je me suis lancé, mais moyennant quoi, je ne pourrai ici vous présenter hélas que les grandes lignes de mes travaux, étant bien entendu que vous allez trouver très rapidement en ligne et disponible le contenu total de la concertation avec le rapport.
Mais je tenais à le dire et à m'en excuser, mais c'est la loi du genre qui veut ça, auprès de toutes les personnes qui entre autres sont en visio, dans les différents territoires que j'ai pu traverser, qui vont écouter ce matin et ne vont peut-être pas retrouver tout ce que j'ai vu et ce qu'elles m'ont dit. Mais elles le trouveront, on a fait un rapport exhaustif.
Donc cinq mois de concertation, on y va. Une concertation qui a mobilisé 30 territoires métropolitains et ultramarins. En fait, pour être tout à fait juste, c'est 29+1. Un, je m'y arrête, il s'agit de Nancy, une ville qui m'est chère, où j'ai été élue 25 ans. Nous vous y accueillerons avec plaisir sur la qualité de l'accueil, notamment. Et il faut ajouter 15 territoires dans lesquels nous ne sommes pas allés, mais qui spontanément se sont emparés du sujet, on fait travailler leurs services départementaux du service aux familles, et ont envoyé leurs contributions. Donc toutes les annexes du rapport contiennent tout ce qui nous a été envoyé, c'est une base de travail magnifique.
On donne les caractéristiques des territoires, avec un taux de couverture global en termes de mode d'accueil. Car on voit d'un peu moins de 40, voire 30, à certains territoires à plus de 80 %. Et puis l'équilibre plus ou moins marqué entre l'offre d'accueil collectif, individuel.
L'offre d'accueil individuelle se situe essentiellement dans tout l'Ouest, et je tiens à saluer la Bretagne, car sur cette carte, tout est rempli en contributions spontanées et visites. Cette concertation a répondu aux attentes des territoires. Sincèrement, si j'avais le temps, je vous ferais revivre l'enthousiasme qu'on a eu, avec des personnes dans la salle, et avec vous, on pourrait le dire, une participation extraordinaire.
Les journées se déroulaient avec matin, visite de structure et l'après-midi nous étions réunis en atelier sur les thématiques choisies par les territoires eux-mêmes, en fonction des problématiques qu'ils ont. Chaque fois, on avait eu entre 40 participants, pour le plus petit territoire, une micro-crèche gérée en SCOP. Il y avait toutes les parties prenantes, professionnels, élus, État bien évidemment, associations, président du DAF, l'inspection académique pour les classes passerelles, et bien évidemment les CAF. J'en profite, madame la présidente de la CNAF, chère Isabelle, pour vraiment vous dire un grand merci parce que le réseau des CAF a été extraordinaire pour me permettre de travailler dans les meilleures conditions possible, et de façon tout à fait conviviale, ce qui est agréable.
Également, ce qui m'a été remonté dans les échanges que j'ai pu avoir, c'est une adhésion des participants à cette démarche, la démarche de l'aller vers. Si vous voulez vous rendre compte des difficultés rencontrées par quelqu'un, des problématiques qu'il a, il ne faut pas le voir dans une réunion en visio, dans un bureau à Paris, où tout le monde se ressemble. Mais quand vous allez voir le maire du village de 600 habitants, vous voyez vraiment ses difficultés. Cette démarche a été applaudie, appréciée. Un certain nombre de participants nous ont dit qu'elle s'inscrivait totalement dans la démarche de leurs schémas départementaux de services aux familles. Et d'autres nous ont dit que c'était la première fois qu'ils avaient l'occasion, pourtant en travaillant tous autour de la petite enfance, de se rencontrer, de passer une journée ensemble, d'échanger et que finalement ça créait un nouvel élan.
Cette concertation a permis de révéler la qualité, l'inventivité, la profondeur des réflexions et idées, vous l'avez dit tout à l'heure Monsieur le Ministre, le rapport de l'IGAS le dit lui-même, il y a des choses formidables qui se font en France, le monde de la petite enfance est merveilleux. Les professionnels travaillent dans des conditions extraordinaires et il faut savoir leur rendre hommage, même si comme dans tous les milieux, il y a des manquements et le but est d'y travailler.
Les principales conclusions et recommandations de la concertation, bien sûr vous allez retrouver énormément de points soulevés dans les manquements, car le but est d'aller au devant des territoires, d'avoir écouté leurs difficultés, dont vous allez les retrouver, et puis de vous rendre les propositions qu'ils ont pu faire, les principales ou celles qu'on a retrouvées essaimées dans ces territoires, métropole ou ultramarins, car je suis allée à La Réunion, et la Guyane nous a fait parvenir une contribution spontanée.
Première difficulté, la pénurie de professionnels, ça a été évoqué partout, avec trois idées pour essayer d'y répondre: le besoin de reconnaissance des professionnels, amélioration de l'attractivité de la filière, c'est tout le travail du comité filière. Je n'insiste pas, car en plus, la campagne de communication a été faite, a eu lieu courant avril, elle sera reprise.
Le travail sur les salaires, ça a été demandé à chaque rencontre, il est en cours, vous l'avez commandité, c'est géré par une inspectrice de l'IGAS.
Ensuite, la grosse demande était de repenser la formation initiale et continue des professionnels pour favoriser d'une part les recrutements et d'autre part le maintien en poste. Car attention, nous parlons de recrutement, mais il faut aussi maintenir l'existant, faire en sorte que les professionnels qui sont en place aient toujours envie d'y rester, et ce n'est pas toujours le cas de ce que j'ai entendu, et ne partent pas vers d'autres horizons. Pour cela, une grosse demande sur le contenu des formations. Formation initiale, formation continue, de manière à lever tous les freins et les irritants et à faire en sorte que les formations, elles collent au plus près des états d'avancement de la recherche sur les neurosciences, sur la connaissance de l'enfant.
Et sur l'accueil individuel, encourager des initiatives qui permettent de réinventer des pratiques qui existent, il y en a deux citées, les maisons d'assistantes maternelles, pour lesquelles il faut peut-être réétudier le modèle, Monsieur le Ministre, éventuellement, et également les crèches familiales. Je sais qu'il y a de grosses attentes, les crèches familiales ont été citées à plusieurs reprises comme étant un modèle intéressant d'accueil individuel, mais qui supprime le rapport employeur-employé entre les parents et l'assistante maternelle. Il n'y a plus que l'enfant qui est au cœur. C'était pour le premier.
Ensuite, beaucoup de questions nous sont remontées sur la gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant, de manière à pouvoir organiser le développement qualitatif et quantitatif de l'offre. Avec deux points principaux: clarification au niveau national et au niveau local. Et il a été demandé l'instauration d'un cadre général, Monsieur le Ministre, au plan national, donnant un fil rouge, des normes, un partage clair des compétences des différents acteurs de terrain. Car très souvent, on ne s'y reconnaît pas trop. La petite enfance, c'est un monde, c'est un peu la jungle, la forêt, il y a énormément de compétences, de gestionnaires, de types de mode d'accueil, donc essayons de clarifier, bien redire ce que font les Régions, les Départements, les communes, les associations, l’État bien évidemment. Ça c'est pour le plan national.
Pour le plan local, désigner un pilote dans l'avion. Ça a été un des gros travaux sortis du rapport sur le service public de la petite enfance, j'en profite pour saluer la présidente de l'UNAF qui nous fait l'amitié d'être ici, donc un pilote dans l'avion au niveau local, au plus près des familles. Nous verrons quel est ce pilote dans l'avion, mais de manière à répondre de façon extrêmement pointue aux demandes et aux besoins des familles et des professionnels d'ailleurs également.
Et puis le deuxième point, une fois que cette gouvernance est établie, savoir intégrer l'ensemble des acteurs de la petite enfance. Alors ça, c'est très important, c'est le service public d'accueil de la petite enfance mais nous avons, et c'est historique dans notre pays, on ne part pas de rien, vous l'avez dit tout à l'heure, 1,3 million de places déjà, avec une multiplicité d'acteurs qui sont aux manettes. Tous ces acteurs publics, privés, communes, et je salue le représentant de l'AMF, des maires ruraux, vous avez tous ces acteurs qui sont là, ils ont joué leur rôle, et l'associatif, le secteur privé lucratif. Il faut arriver à les intégrer bien évidemment à ce service public de la petite enfance. Grâce à un cadre général qui permettra précisément de garantir un même niveau de qualité, de normes et de sécurité partout, sur tout le territoire, quel que soit le mode d'accueil choisi par les familles.
Troisième demande, nous y arrivons bien évidemment, la qualité, avant le nombre même, équivalente entre les différents modes, replacer les besoins du jeune enfant au cœur des pratiques, renforcer les contrôles. Alors à deux niveaux, les professionnels qui sont auprès des enfants, c'est-à-dire développer les temps d'analyse de la pratique. Cela nous a été demandé partout, partout, partout. Que les temps de partage soient augmentés, et sanctuarisés. Qu'un gestionnaire ne puisse pas faire l'impasse sur son équipe de professionnels. Et la formation initiale, continue, alors ce sont des idées qui se déclinent dans les différentes slides.
Cela étant, cela n'ira pas sans un renforcement de l'accompagnement financier au fonctionnement des structures pour permettre aux professionnels d'améliorer leurs conditions de travail. L'accompagnement financier, il est revenu à chaque étape, et c'est tout à fait normal, Monsieur le Ministre, vous le savez bien.
Et là je parlais des professionnels auprès des enfants, je parle maintenant de l'accompagnement managérial des pros, les équipes de direction, ce sont des infirmières puéricultrices ou AGE. Elles n'ont pas de modules de prise en compte de leur travail, manager une équipe, ça ne s'invente pas, il faut savoir, il y a des pratiques. Un bon management d'équipe va éviter d'arriver à une dégradation de la qualité des conditions de travail. Et qui dit qualité dit aussi contrôle et régulation de l'offre. Contrôle à deux niveaux, le contrôle régulier fait par les PMI où là, j'ai entendu très souvent une demande concernant le fait que ces contrôles ne soient pas uniquement centrés sur le respect des normes, la hauteur des poignées de porte, mais que ce soit vraiment centré sur le respect de la qualité, pas uniquement sur la sécurité. Alors après, la qualité de l'accueil...
Cette fois, cette slide, elle m'a été demandée, elle a été écrite en pensant à tous les gestionnaires. Et vous avez là dégager du foncier, renforcer le soutien financier et en ingénierie pour favoriser le développement de nouvelles places d'accueil. Trois freins, trois irritants relevés unanimement qui freinent l'ouverture de nouvelles structures. Le premier, c'est le foncier, et pas uniquement dans les grandes villes. La problématique du foncier. Savoir intégrer des enjeux de développement de l'offre d'accueil aux objectifs de planification urbaine, c'est extrêmement important. Alors ce sont des idées données, développer des partenariats pour identifier les opportunités en foncier. Intégrer des projets de structures petite enfance dans des projets de construction, promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux, bâtiments publics. Favoriser la reconversion d'espaces, des bâtiments qui ferment. Cela étant, c'était à Dijon, je crois, un président de communauté de communes, ils étaient très nombreux dans ce déplacement, qui me disaient: souvent, il y a beaucoup d'amiante, ça coûte plus cher de désamianter. Mais ce sont des pistes.
Concernant l'accompagnement individuel, j'ai dit que c'était toujours présent, développer les maisons d'assistantes maternelles pour répondre aux problématiques de l'accueil individuel qui sont souvent des problématiques de domiciles qui ne sont pas adaptés à l'accueil des enfants. Ou alors aider les assistantes maternelles pour rénover ce domicile et le mettre en conformité avec les normes d'accueil.
Le soutien financier, nous en avons déjà parlé, il est important. Là, je ne suis que le porte-parole des centaines de personnes rencontrées, mais je me permets d'insister sur le soutien financier au fonctionnement des structures. Cela a commencé bien évidemment avec les bonus qui sont les bienvenus, mais une commune arrive toujours à faire de l'investissement. Là où ça devient compliqué, c'est le fonctionnement. Ne pas oublier que le fonctionnement, une place en crèche, les ressources humaines, c'est 80% des coûts de fonctionnement. Donc une aide au fonctionnement.
Et le troisième irritant, c'était le manque d'ingénierie, donc soutenir. Ou bien en développant des plateformes d'ingénierie locales, ou bien pourquoi pas par des soutiens émanant des CAF, qui savent très bien faire cela, mais renforcer le soutien d'ingénierie, auprès des collectivités locales qui très souvent ne disposent pas de services dédiés au sujet de la petite enfance. Désolée, je vais de plus en plus vite... C'est un marathon !
Améliorer la formation et l'orientation des familles, c'est le dernier but du service public de la petite enfance. Alors là, je vais vous lire simplement les titres. Faire bénéficier les parents d'un interlocuteur unique. Renforcer l'accompagnement et le suivi des familles qui n'auraient pas obtenu de réponse positive. On ne doit plus demain ou après-demain laisser à la porte de son bureau une femme avec son bébé dans les bras en disant : Madame, désolée, je n'ai plus de place pour vous. Il faut essayer de trouver une solution, même en attente, mais ne plus renvoyer une maman avec son bébé et ses problèmes. Amélioration l'information des familles sur les modes d'accueil.
Résoudre les inégalités sociales et territoriales du système actuel, oui, deux inégalités comme vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur le Ministre, en France, c'est 6 familles sur 10 qui peuvent avoir une place, on pourrait se dire que c'est pas mal, mais d'une part, c'est très inégal au niveau des territoires, et que le but d'un service public est de pouvoir précisément organiser l'offre d'accueil, collectif ou individuel, peu importe, mais de manière à ce qu'il n'y ait plus de gros blancs quand on regarde une carte, mais que ce soit en fonction des besoins, bien évidemment. Besoins qui seront positionnés par les comités départementaux des services aux familles, très important d'organiser ceci. Ça c'est pour l'inégalité territoriale.
Ensuite, il y a une inégalité sociale, et elle concerne l'équité financière, vous en avez parlé Monsieur le Ministre. Je le dis simplement, vous l'avez dit aussi, 71% d'enfants issus de famille précaire n'ont jamais eu accès à un mode d'accueil, ce n'est plus entendable, il faut que ça change. Et également, là aussi, une grande souplesse est demandée. Notre système, il est magnifique, je le disais tout à l'heure, mais il est ancien, Monsieur le Ministre, et il n'a pas évolué avec la société, avec les modes de travail qui ont changé, les périodes de chômage, le modèle familial a changé aussi, donc on est bien obligé, si on veut pouvoir accueillir les enfants de toutes les familles, où qu'elles se trouvent, quels que soient les modes de travail, on doit développer des dispositifs dits atypiques aujourd'hui, mais ils ne le seront plus bientôt. Et donc le mot souplesse.
Autre inégalité, les inégalités de destin, l'enfant qui naît porteur de handicap, ou dans une familles en situation de précarité, c'est ainsi. Notre but à nous est de faire en sorte qu'à terme, ces enfants, qui sont porteurs de handicap, dans une famille en situation de précarité, qu'ils puissent aussi avoir accès à une place d'accueil. Les familles qui ont un enfant en situation de handicap, c'est améliorer la formation des professionnels, établir tout un réseau autour de ces enfants, les faire travaille avec des structures comme les CAMSP qui s'occupent de détecter dès le très jeune âge des problématiques éventuelles de handicap. Et renforcer les moyens humains et financiers. J'ai rencontré à Roubaix une structure associative qui accueille des enfants très, très lourdement handicapés. L'association a pris sur elle de renforcer le nombre de professionnels pour vraiment prendre en charge ces enfants.
Et puis les enfants dans une famille précaire, j'aime bien l'expression "franchir le dernier kilomètre". Elle n'est pas de moi mais je l'aime beaucoup. C'est aller vers, aller vers ces familles. Elles ne viendront pas vers nous, il faut aller les chercher, il faut les détecter, il faut les amener, il faut les apprivoiser et leur apprendre tout doucement à venir vers un mode d'accueil pour leur enfant. Donc ça va passer par des étapes, ce sont les lieux d'accueil enfants-parents, qui sont d'excellent tremplins. J'en ai visité de magnifiques, comme à Dijon. Ce sont des haltes-garderies, les ludothèques, des structures qui tout doucement vont apprivoiser les familles.
Ensuite, après les inégalités de destin, je crois qu'il y a encore... Je crois que c'est la fin, la dernière demande, fluidifier les parcours d'accueil pour permettre aux parents de choisir la prise en charge qu'ils préfèrent pour leur enfant. Et là, c'est une ouverture vers l’Éducation nationale, où il nous faudra travailler pour faciliter l'intégration des enfants dans les modes d'accueil tout au long de l'année. Car un enfant qui a eu 3 ans au mois de janvier, en septembre, il s'ennuie en crèche, et s'il part à l'école, ça dégage une place dans la structure et l'enfant est mieux pris en charge.
C'est aussi amener l'ouverture vers le monde de l'entreprise. C'est un gros travail. Je vois que vous approuvez largement. Donc les entreprises, le contact avec le MEDEF, la CPME, on en a eu, ils sont prêts à travailler avec nous.
Et enfin, la dernière touche, réformer le congé parental pour assurer le libre-choix aux parents. Alors ça peut peut-être paraître étonnant, mais nombre de très jeunes couples, papas et mamans, demandent à avoir un congé parental, mieux rémunéré pour pouvoir continuer à vivre pendant ce temps-là, mais un congé parental pour s'occuper de leur enfant dans les premières années. J'en terminerai par-là. Que ce soit à temps plein ou temps partiel, mais un congé parental.
Voilà, Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, j'ai été extrêmement rapide, je suis désolée, c'était le temps qui m'était imparti.