La protection juridique des majeurs

Publié le 20/12/2022 Temps de lecture : 11 minutes

La protection juridique des majeurs

Parce que les aléas de la vie peuvent à tout moment nous rendre vulnérables, il est apparu essentiel qu’une protection adaptée voit le jour.Selon l'article 415 du code civil, « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire […]. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »

Depuis la loi du 5 mars 2007, la mesure de protection vise les personnes dont l’état de santé est altéré, que ce soit par l’âge, le handicap, la maladie… Toute personne est ainsi susceptible d’être concernée, directement ou de plus loin si un proche se trouve dans cette situation.  La loi du 5 mars 2007 a profondément réformé la protection juridique des majeurs et a apporté une vision novatrice et plus globale de la notion de protection en introduisant la notion de protection de la personne. Pour autant, les textes restent muets sur la définition de cette notion. 

La protection des majeurs concerne directement près de 900 000 personnes, ainsi que leurs proches. Par ailleurs les professionnels souffrent d’un manque de reconnaissance de leur métier.

Les mesures de protection

Une mesure de protection est prise sur décision d’un juge : le juge des tutelles. Il décide non seulement de l’opportunité d’ouvrir une mesure mais également de son degré de protection et ce en s’appuyant sur une expertise médicale qui constate l’altération de l’état de santé de la personne. Le juge désigne également la personne qui sera chargée d’assurer cette protection, un tuteur ou un curateur, qu’il choisira par priorité parmi les membres de la famille, les proches de la personne et à défaut un professionnel.

Les mesures de protection sont organisées selon un principe de graduation de la mesure, dont les effets doivent être strictement adaptés, c’est-à-dire proportionnés à l’état de vulnérabilité de la personne. Ce principe est rappelé à l’article 440 du Code civil.

Il existe trois types de mesures.

La sauvegarde de justice

Elle est prévue à l’article 433 du code civil. C’est la mesure la moins contraignante. L’article 435 de ce Code prévoit que « la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits ». La durée maximale de la sauvegarde de justice est d’une année, renouvelable pour une seconde année. La sauvegarde de justice permet surtout d’accéder à la mise en place du mandat spécial qui permet d’agir dans l’urgence pour sauvegarder les intérêts de la personne vulnérable, avant le jugement instaurant une tutelle ou une curatelle.

Le mandat spécial permet par exemple de débloquer une assurance vie pour payer une maison de retraite, établir un dossier de surendettement mais aussi de vendre le bien immobilier d’une personne qui serait institutionnalisée. Mais le mandat peut aussi viser une protection à la personne comme par exemple fixer son lieu de vie dans une maison de retraite si cela s’avère indispensable. Le mandataire doit rendre compte de sa mission au juge et à la personne protégée.

La curatelle ou la tutelle

La mesure de curatelle prévoit l’assistance de la personne (elle ne peut agir sans l’assistance du curateur pour tous les actes patrimoniaux importants) tandis que la tutelle prévoit sa représentation pour tous les actes de la vie civile, à l’exception des actes strictement personnels prévus à l’article 458 du code civil.

La curatelle renforcée prévoit un régime mixte puisque la personne vulnérable est assistée sauf pour la gestion de ses revenus et de ses dépenses qui sont gérés par le curateur (article 472 du code civil).

Il est important de souligner que des aménagements sont possibles entre la curatelle et la tutelle : en effet, d’une part le curateur peut solliciter du juge l’autorisation de représenter la personne vulnérable pour un acte déterminé (article 469 du code civil) ; d’autre part, en tutelle, le juge peut énumérer certains actes que la personne pourra faire seule ou avec l’assistance du tuteur (article 473 du code civil).

Le juge peut désigner un ou plusieurs tuteurs ou curateurs. Il peut diviser la protection en distinguant un tuteur ou curateur aux biens et un autre à la personne. Il peut confier, notamment en cas de conflit dans la famille une partie de la mesure à un mandataire professionnel.

A tout moment, le tuteur ou le curateur peut solliciter la désignation d’une autre personne (conflit familial, situation d’épuisement notamment). A tout moment il peut saisir le juge d’une difficulté entravant le bon fonctionnement de la mesure de protection.

Bon à savoir

 

Le juge peut, s'il l'estime nécessaire désigner un subrogé curateur ou un subrogé tuteur. Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur assiste ou représente, selon le cas, la personne protégée lorsque les intérêts de celle-ci sont en opposition avec ceux du curateur ou du tuteur ou lorsque l'un ou l'autre ne peut lui apporter son assistance ou agir pour son compte en raison des limitations de sa mission. Il est informé et consulté par le curateur ou le tuteur avant tout acte grave accompli par celui-ci (article 454 du Code civil). Le juge peut confier à un subrogé professionnel la compétence pour vérifier les comptes de gestion

Enfin le juge peut être saisi à tout moment d’une demande d’aggravation de la mesure (en cas d’aggravation de la pathologie ou du handicap de la personne vulnérable) d’un allègement de celle-ci ou d’une mainlevée si la personne s’est rétablie et qu’elle n’a plus besoin d’une mesure de protection. ion.

Droits des bénéficiaires

La loi du 5 mars 2007 a introduit plusieurs dispositions visant à renforcer l’effectivité des droits des personnes protégées :

  • En matière de droits des usagers du secteur social et médico-social : notice d’information, charte des droits et libertés de la personne protégée, et, pour les services, document individuel de protection des majeurs
  • En renforçant l’autonomie de la personne protégée : le tuteur ou le curateur du majeur protégé doivent l’informer sur sa situation personnelle et la gestion de ses biens. Ils doivent également rechercher son consentement ou son adhésion. Elle rappelle le principe de conservation de son lieu de vie et de ses objets personnels ainsi que le principe de liberté du choix de sa résidence et de ses relations avec les tiers.

Afin d’éviter le placement sous protection juridique (sauvegarde de justice, tutelle, curatelle) de personnes dont les intérêts peuvent être préservés par un suivi social adapté, elle a instauré deux nouvelles mesures à caractère éducatif et social.

Ainsi, toute personne, bénéficiaire de prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée du fait de ses difficultés à assurer la gestion de ses ressources, peut bénéficier d’une mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP). La mise en œuvre de ce dispositif relève de la compétence du département. En cas d’échec, une mesure contraignante, la mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) peut être ordonnée.

L'habilitation familiale

Il existe une autre mesure de protection qui peut être sollicitée lorsque la situation le permet. Il s’agit de l'habilitation familiale qui permet à une personne désignée d'accomplir certains actes pour le compte d'une personne qui n'est pas en capacité de manifester sa volonté. On parle de représentation. Elle peut être totale ou partielle.

L'habilitation familiale est ordonnée par le juge uniquement en cas de nécessité, lorsque les représentations habituelles (procuration par exemple) ne permettent pas de suffisamment de protéger les intérêts de la personne.

Il ne s'agit pas d'une mesure de protection judiciaire, comme le sont la sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle. En effet, une fois l'habilitation familiale délivrée, il n'y a plus de contrôle par le juge.

Il est également possible d’organiser en avance sa protection et celle de ses biens, en désignant dans le cadre d’un mandat de protection future, un tiers qui sera chargé d’agir à sa place pour le jour où son état de santé ne lui permettra plus de le faire elle-même.

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Le juge décide d’une mesure ou d’une autre en fonction du niveau d’altération de l’état de la personne et du besoin de protection que cet état nécessite afin de sauvegarder au mieux ses intérêts. Dans le cas où le juge désigne un professionnel, ce sont les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) qui assurent la mesure de protection. Ils sont qui sont soumis à des conditions de formation, d’habilitation et d’exercice.

En effet, ces professionnels reçoivent un mandat du juge et exercent dans les domaines juridique, économique et social. Grâce à la loi de 2007, la protection de la personne s’est professionnalisée avec la création d’un nouveau métier.

Par ailleurs, le système de financement de l’activité tutélaire est désormais plus équitable. En effet, il est prévu une participation des majeurs protégés au financement de leur mesure dont sont totalement exonérés les plus bas revenus. A titre subsidiaire, lorsque les ressources de la personne sont la participation financière de la personne protégée est inférieures au coût de sa mesure, un financement par l’État et à la marge, par les départements.

Qui sont les MJPM ?

La loi confie au préfet de département la mission d’habilitation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM).

Les conditions d’exercice de la fonction de mandataire sont communes mais la procédure d’habilitation est différente pour les trois catégories de mandataire.

L’ensemble des MJPM habilités sont inscrits sur une liste qui est communiquée aux juges concernés.

Enfin les MJPM doivent prêter serment.

Il existe donc trois catégories de MJPM :

  • Les services mandataires judiciaires à la protection des majeurs : les services sont autorisés selon la procédure d’autorisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) donc par appel à projet prévu par le code de l’action sociale et des familles.
  • Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel : les mandataires exerçant à titre individuel doivent effectuer une demande d’agrément dans le cadre d’un appel à candidatures prévu par le code de l’action sociale et des familles. Cet appel à candidature détermine le nombre de postes ouverts. Cette demande est effectuée auprès de la DDETS, avec copie au procureur de la République près le tribunal judiciaire du département. Ils sont ensuite sélectionnés par une commission dédiée qui détermine un classement des MJPM. Le classement détermine les MJPM autorisés à exercer en fonction du nombre de postes ouverts.
  • Les préposés d’établissement : la loi prévoit une procédure de déclaration pour les préposés d’établissement à la DDETS avec copie au procureur de la République près le tribunal judiciaire du département.

Une carte professionnelle

Le ministère des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées a souhaité doter les mandataires judiciaires à la protection des majeurs d’une carte professionnelle. Le projet a été porté par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Environ 10 000 professionnels sont concernés et ce quel que soit leur mode d’exercice : au sein d’un service ou d’un établissement public de santé ou médico-social ou encore à titre libéral.

Cette carte doit permettre d’améliorer et de faciliter l’identification du mandataire auprès des partenaires lors de la réalisation des démarches pour le compte des majeurs. En effet, dans l’exercice de son mandat, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) a besoin de justifier de son identité et de sa qualité vis-à-vis des personnes protégées et des tiers (services d’urgence, administrations, police et gendarmerie, mairies, banques …).

De plus, le déploiement de cette carte sur l’ensemble du territoire national va favoriser l’unité de la profession et participer à la construction d’une identité professionnelle.

Fabriquée par l’Imprimerie Nationale, cette carte est remise aux MJPM par l’intermédiaire des services de l’État : Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et Directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS).

Le contrôle des intervenants tutélaires

Ce contrôle est exercé, sous l’autorité du préfet de département, pour les services MJPM et DPF selon les règles de droit commun (dispositions du code de l’action sociale et des familles (CASF) relatives au contrôle applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux soumis à autorisation) et pour les MJPM et DPF exerçant à titre individuel et les MJPM préposés d’établissement, selon des dispositions spécifiques adaptées du droit commun.

Le contrôle des services tutélaires peut concerner tant leur activité que la santé, la sécurité ou le bien-être des personnes qu’ils prennent en charge.

Les DDETS proposent à leur DREETS l’inscription de ce secteur (en fonction de la réalité des besoins prioritaires qu’elles ont pu identifier) dans le volet cohésion sociale du programme régional d’inspection et de contrôle.

Ce contrôle administratif est complémentaire du pouvoir de surveillance du juge des tutelles et du procureur de la République.

Bon à savoir

Parce que les mandataires sont investis d’un pouvoir important, vis-à-vis duquel la fragilité de la personne protégée peut être grande, il est important qu’ils développent une conscience éthique, qu’ils soient conscients de leur responsabilité morale, et qu’ils réfléchissent par eux-mêmes et en groupe sur cette question

Ainsi, dans le cadre d’un groupe de travail pluridisciplinaire et interinstitutionnel co-piloté par la DGCS et la Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) en 2019, les MJPM et les autres acteurs concernés se sont intéressés à ces questions.  De ces réflexions, a abouti le guide Repères pour une réflexion éthique des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

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