Intervention de Jean-Christophe Combe aux Assises nationales des soins en EHPAD le 22 mars 2023

Publié le | Temps de lecture : 12 minutes

Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées a pris la parole lors des Assises nationales des soins en EHPAD le 22 mars 2023.

Seul le prononcé fait foi.

Mesdames et messieurs les soignants,
Mesdames et messieurs, 
Cher Luc,

Je suis très heureux d’être parmi vous cet après-midi pour clôturer ces premières Assises nationales des soins en EHPAD, brillamment ouvertes par ma collègue Agnès Firmin-Le-Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé.

Nous partageons tous ici des constats, des objectifs, des valeurs et ces temps sont précieux, surtout à la veille d’échéances importantes.

Les valeurs que nous partageons, c’est sans doute le plus important : celle du service, de l’attention aux plus fragiles ou encore du soin. Car oui, le soin n’est pas qu’une série de gestes techniques, c’est une disposition, c’est un état d’esprit, et je sais que nous le partageons.

Les constats nous les connaissons. L’effet de la gestion de crise Covid, les questions de recrutement et d’organisation du travail. Le constat de ce qui a été fait pour atteindre mais aussi rétablir la confiance entre les Français et leurs EHPAD. Celui de l’évolution du rapport aux familles ou encore du rapport à la fin de vie.

Les objectifs enfin, celui de préparer la société à accompagner son vieillissement. Celui de diversifier, de rendre attractif, d’innover, de faire du défi du grand âge un formidable levier de croissance partagée. 

Et pour tout cela, question essentielle qui nous anime toutes et tous : comment avoir des professionnels heureux, épanouis, qui vivent le sens de leur engagement ? 

Ces questions seront au cœur des prochaines semaines.

Dans quelques jours, le 4 avril, je présenterai les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au « bien vieillir ». 

Pendant des mois j’ai sillonné la France jusqu’en Martinique. 

L’objectif n’était pas de refaire des constats déjà bien documentés dans de nombreux rapports. 

L’objectif était de rencontrer des citoyens engagés sur ces questions. Parce que je porte la conviction que c’est un enjeu de société, au-delà des questions techniques qui occupent notre quotidien.

Comme je m’y étais engagé lors de ma prise de fonction, ces conclusions viendront nourrir une loi. Cette loi, c’est un symbole important, elle est portée par des députés de la majorité présidentielle. 

Cette loi sera discutée en avril à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. 

Avec ce texte nous continuerons à construire cette cinquième branche de la Sécurité sociale que notre majorité à portée et qu’elle construit brique après brique. 

Dans cette vision que nous portons, l’EHPAD est indispensable. Il est indispensable tout simplement parce qu’il permet d’accompagner des personnes en situation de grande perte d’autonomie, des personnes qui présenter des profils poly-pathologiques ou d’importants troubles du comportement. Des personnes qui tout simplement ne peuvent vieillir à domicile.

Mais le modèle tel qu’il existe aujourd’hui doit évoluer dans toutes ses dimensions, la crise sanitaire l’a montré. 

Cela doit concerner l’architecture, les métiers, mais aussi les modalités de financement et l’articulation plus poussée à trouver entre le sanitaire et le médico-social. 

Toutes ces évolutions sont indispensables pour renouer la confiance entre les personnes âgées, leurs proches et les EHPAD.

À très brève échéance nous avons donc deux défis à relever. 

D’une part préparer l’EHPAD à accueillir des personnes plus nombreuses et avec des profils plus lourds, souvent en situation de fin de vie

Et d’autre part transformer le modèle en tirant les leçons de la crise sanitaire et des nombreuses concertations et rapport de ces dernières années.

Je le dis très clairement : depuis 20 ans, les EHPAD publics souffrent de sous-investissement

Ces prochaines années, les personnes accueillies en EHPAD seront en perte d’autonomie de plus en plus avancée. 

La transition démographique est devant nous, et nous avons moins de dix ans pour préparer un nouveau modèle d’accompagnement de la grande dépendance. 

L’EHPAD doit demeurer un lieu qui protège la santé, qui respecte les droits et qui redonne de la vie jusqu’au bout.  C’est ce que j’appelle « humaniser les EHPAD », car ce sont des lieux de vie avant tout.

C’est pour cela que le Gouvernement investit pour transformer le modèle des EHPAD vers davantage de médicalisation, d’ouverture sur l’extérieur. Proposer des lieux de vie bienveillant, sécurisant et respectueux des droits de chacun.

C’est tout le sens des travaux du « Lab des solutions de demain », animé par la CNSA et qui fait un travail remarquable en lien avec les acteurs de l’écosystème.

Un chiffre pour bien montrer l’ampleur de cet engagement de l’État à vos côtés : 2,1 milliards d’euros entre 2021 et 2025.

C’est le montant que nous mettons pour soutenir l’investissement immobilier et pour financer des projets de réhabilitation ou de reconstruction d’envergure

Mais il s’agit aussi de créer des tiers-lieux utilisés par des personnes du quartier dans les établissements, de renforcer l’ouverture des établissements sur leur territoire et de faciliter les échanges et les solidarités intergénérationnels.

C’est aussi un soutien au travaux de rénovation thermique pour maintenir une température supportable dans les chambres pendant les canicules et pour équiper les établissements en matériel adéquat pour prévenir les troubles musculo-squelettiques du personnel.

J’étais il y a quelques semaines en Mayenne où j’ai pu visiter l’EHPAD la Varenne, qui porte un projet d’investissement travaillé dans une approche d’ouverture et d’intégration dans le territoire. 

C’est un EHPAD vétuste – aujourd’hui composé de bâtiments anciens, non adaptés, avec la présence d’amiante, une accessibilité des personnes à mobilité réduite relative, et la présence de nombreuses chambres doubles – qui va être entièrement reconstruit dans le cadre d’un projet d’envergure.

Le projet d’investissement doit ainsi permettre une reconstruction totale en intégrant la création d’une Unité pour personnes handicapées vieillissantes (UPHV) de 12 lits, avec une relocalisation au cœur de la ville d’Ambrières. 

Enfin c’est un projet qui s’inscrit dans une dynamique territoriale ouverte à l’approche domiciliaire, puisque des locaux attenants à l’EHPAD seront loués aux services à domicile pour créer un pôle gérontologique

C’est un bon exemple parmi d’autre de ce que nous construisons partout sur le territoire avec les ARS et les Conseils départementaux.

Le soutien du Gouvernement c’est aussi le soutien à l’investissement numérique, près de 600 millions d’euros, notamment pour aider les établissements à numériser la gestion des dossiers de leurs usagers. 

Vous le savez c’est un sujet essentiel pour le partage d’informations entre professionnels, l’intégration des outils de coordination du « virage numérique en santé » ainsi que la participation des personnes accompagnées.

Enfin, notre volonté c’est de positionner progressivement les EHPAD davantage en synergie avec les acteurs du domicile, de dépasser ce clivage établissement / domicile qui pour appartient au passé. 

Je crois beaucoup aux centres de ressources territoriaux, inspirés de l’expérimentation article 51 des Ddspositifs renforcés d’accompagnement à domicile.

L’ambition de ce dispositif est simple : permettre aux personnes âgées de vieillir chez elles le plus longtemps possible grâce à un accompagnement renforcé à domicile. 

Les centres de ressources territoriaux permettront aussi d’ouvrir les EHPAD sur leur territoire.

Ces centres seront au service de nouveaux parcours professionnels, alternant entre domicile et établissement.

Ils permettront de passer du temps avec les personnes et de renforcer les contacts avec d’autres professions, je pense aux ergothérapeutes ou au psychologues par exemple. 

Les centre de ressources commencent à se déployer et les crédits continueront d’être déployés pour atteindre un maillage territorial des bassins de vie. Pas d’humanisation sans dispositif à taille humaine.

***

Je le disais toute à l’heure : la crise sanitaire est passée par là et nous devons en tirer tous les enseignements. 

Le premier d’entre eux est que nous devons davantage médicaliser les EHPAD. C’est nécessaire pour accompagner les personnes avec des troubles du comportement et maladies neurodégénératives. C’est nécessaire pour mieux accompagner les personnes en fin de vie.

Pour cela nous suivons une feuille de route qui est animée depuis 2021 par les professeurs Claude Jeandel et Olivier Guérin.

Cela passe par la poursuite du déploiement des Pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) dans tous les EHPAD, pour mieux accompagner des résidents souffrant de la maladie Alzheimer et de troubles apparentés

C’est un enjeu qui sera de plus important et j’ai donc demandé à mon administration de réunir les acteurs pour rénover le cahier des charges des PASA et y compris pour ré-examiner leur niveau de financement. 

La médicalisation c’est aussi améliorer les modalités d’intervention des ressources sanitaires et des ressources en santé mentale et psychiatrique au sein des EHPAD. Vous connaissez bien l’importance des équipes mobiles de gériatrie, équipes de l’Hospitalisation à domicile (HAD) et des professionnels spécialisés. Mais vous savez aussi les progrès que nous devons faire.

La médicalisation c’est aussi poursuivre la couverture en astreinte de nuit. Notre cible est simple : 100 % des EHPAD. Nous y avons mis des crédits, et l’ANAP a pour mission d’accompagner les établissements. 

Tirer les enseignements de la crise sanitaire, c’est aussi développer les actions de prévention, notamment pour éviter les chutes et la dénutrition.

À ce titre nous pouvons nous réjouir que la loi que nous discuterons dans quelques semaines ouvre la possibilité de financer la prévention au même titre que le forfait dépendance. J’ai demandé à l’administration de travailler les modalités de mise en œuvre et de financement de cette mesure.

Enfin et c’est une question essentielle, nous devons poursuivre les travaux pour améliorer le financement des EHPAD. Je pense notamment à la généralisation du tarif global et au renforcement des EHPAD publics qui témoignent de l’engagement total de l’État sur cette question du bien vieillir.

***

Toutes ces questions sont importantes. Il n’y a pas une ou deux grandes mesures, il y a un ensemble de transformations à conduire et nous devons le faire collectivement. Personne ne réussira seul. 

Mais surtout, personne ne réussira si nous n’arrivons pas à répondre à la pénurie actuelle de personnel. 

Vous êtes ici, toutes et tous, des professionnels engagés, je vous connais, il n’y a pas si longtemps j’étais directeur général de la Croix-Rouge. Je connais la réalité du terrain, mais je connais aussi le formidable élan d’humanité que vous êtes capable d’insuffler dans vos établissements. 

Vous avez besoin d’être plus nombreux et les Français auront besoin que vous soyez de plus en plus nombreux. 

Il y a la question des salaires et je ne vais pas ici rappeler l’augmentation sans précédent mais absolument méritée de 183 euros net ainsi que l’extension de la revalorisation du point de la fonction publique à l’ensemble du secteur

Comme tous les Français, vous êtes touchés par l’inflation. Depuis cet été le Gouvernement est en action pour limiter le cout de l’énergie et celui des aliments et pour protéger les plus fragiles. Les banques centrales sont aussi en action pour éteindre cet incendie. Et vous êtes en action, pour traverser ces difficultés qui auront un terme. 

Pour améliorer le taux d’encadrement et le nombre de personnel « au chevet des résidents », le président de la République a pris l’engagement : recruter 50 000 soignants supplémentaires. Cet engagement nous le tiendrons.

J’entends celles et ceux qui disent que ça ne va pas assez vite, mais je préfère les résultats aux effets d’annonce. Il ne sert à rien de lancer de grands chiffres si l’on est pas capable de mettre de vraies personnes derrière.

Nous sommes donc en train de travailler au déploiement d’un véritable plan métiers, avec le ministère du travail, mais surtout avec les professionnels eux-mêmes. J’ai coutume de le dire et je le tire de mon expérience Croix-Rouge : ceux qui savent sont ceux qui font. 

Ce plan il parle de formation, de validation des acquis de l’expérience et de mesures plus immédiates pour faciliter les recrutements urgents.

En parallèle de ces mesures sur les revalorisations et les recrutements, nous devons faire évoluer les missions des professionnels, c’est une condition indispensable pour les rendre plus attractives. 

C’est notamment le cas du médecin coordonnateur, dont je connais bien toute les difficultés de la fonction aujourd’hui. 

Si l’on veut médicaliser et être attractif pour des médecins qui ne veulent pas renoncer à l’exercice clinique, nous devons faire en sorte que les résidents aient un accès effectif et régulier à un médecin. Un médecin qui, au-delà de la coordination de l’équipe soignante et des partenariats, assure également un suivi médical régulier et dispose de la capacité de prescription en toute situation. 

Cette fonction médicale au sein de l’EHPAD, il faut de la liberté pour l’organiser : un médecin pour le suivi médical et un médecin pour la coordination, ou un médecin pour les deux fonctions.

Enfin, cette évolution des missions doit aussi consacrer la place des infirmières coordinatrices. Elles jouent un rôle clé dans l’organisation des soins au quotidien.

Pour conclure mon propos, je voudrais vous dire un mot sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Un sujet que j’ai mis au cœur de mes priorités car il est à la croisée de tous les enjeux. 

Ce sujet c’est celui des maltraitances. 

Depuis quelques années, ce mot a pris de plus en plus de place dans nos esprits, dans les journaux et dans les échanges entre professionnels.

C’est pour libérer la parole et construire le plan d’action que nous avons tous trop longtemps attendu que j’ai lancé les États généraux des maltraitances

À titre d’exemple et pour vous donner envie d’y contribuer je n’évoquerai qu’une seule question face aux soignants que vous êtes : comment mieux répondre aux violences qui sont dues aux pathologies des personnes accueillies et qui compromettent la santé et la sécurité des autres résidents ? 

Je pense par exemple à la question des violences sexuelles en EHPAD dont nous parlons de plus en plus. 

Nous avons à inventer ensemble une réponse à ces violences. Fermer les yeux est impossible. Ce n’est pas une question théorique, elle se pose dans vos établissements et il n’y aucune honte à être démunis. Car on le sait, la réponse pénale n’est pas adaptée à ces manifestations de violences, la réponse est bien plus complexe et complète.

Alors comment soigner les auteurs et prendre soin des personnes victimes ? Comment rassurer les soignants pour qu’ils osent poser le sujet et construire les solutions, en lien avec les établissements psychiatriques, avec les équipes mobiles de psycho gériatrie ? 

Nous attendons vos propositions sur le sujet. J’ai invité la société française de gériatrie et la société française de médecine légale à me proposer leurs réflexions. J’espère que vous aussi pourrez y participer, car nous avons besoin de toutes les voix. 

***

Voilà mesdames et messieurs les quelques éléments que je voulais partager avec vous pour conclure vos Assises. 

Vous le voyez la feuille de route est ambitieuse et son déploiement va s’accélérer dans les prochaines semaines. 

Avec le président de la République, avec la Première ministre, avec les parlementaires de la majorité (mais aussi des oppositions qui veulent être constructive), avec l’ensemble des départements, des élus, des services, avec vous professionnels et leurs représentants, bref, c’est l’ensemble de la société qui se met en mouvement autour du vieillissement. 

La création de la branche autonomie, les moyens sans précédent que nous y mettons, les augmentations de salaires, les 50 000 postes, les contrôles, le plan métier, la stratégie maltraitance : tout cela c’est du concret. 

Avec pragmatisme et détermination j’avance. Je le fais à votre service et avec l’intérêt général comme seule boussole. 

Je sais pouvoir compter sur votre engagement et vous pouvez compter sur celui du Gouvernement.

Je vous donne donc rendez-vous le 4 avril pour de nouvelles annonces et quelques jours après à l’Assemblée nationale. 

Je vous remercie.