Contrôles, transparence, lutte contre les maltraitances : l'État renforce ses actions dans les EHPAD

Dossier de presse

Publié le Mis à jour le 11/03/2024 | Temps de lecture : 8 minutes

Contrôle, transparence, lutte contre les maltraitances : l'État renforce ses actions dans les EHPAD

Accompagner le vieillissement de la société implique de répondre à la crise de confiance entre les Français et les EHPAD. Un an après le début de l’affaire Orpéa, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées a souhaité faire un point sur les actions mises en œuvre par l'État .

Répondre aux dysfonctionnements et accélérer la transformation de l'offre

Un ensemble de mesures vise à répondre aux dysfonctionnements et à accélérer la transformation de l’offre pour répondre aux besoin des familles :

  • Dès le printemps dernier, l'État a contrôlé 400 EHPAD et lancé le recrutement de 120 renforts supplémentaires dans les ARS ;
  • En deux ans, tous les EHPAD du pays ont été contrôlés alors qu’ils l’étaient en moyenne tous les 20 ans ;
  • À ce jour, 1 400 contrôles ont déjà été réalisés et ont donné lieu à près de 1 800 recommandations, prescriptions ou injonctions et 11 saisines du procureur de la République.

Ce dossier retrace l’ensemble des mesures mises en place et initiées par le gouvernement. Elles s’ajoutent aux mesures prises pour recruter davantage de professionnels mieux rémunérés, faire face à l’inflation, préparer les États généraux de la maltraitance et construire les mesures qui seront prises ce printemps à l’issue du Conseil national de la refondation dédié au « bien vieillir ».

Des mesures nouvelles pour renforcer la transparence financière

Des mesures nouvelles prises dès avril 2022 pour renforcer la transparence financière des établissements 

Afin de prévenir les dérives et abus susceptibles de survenir au niveau des groupes gestionnaires d’EHPAD, notamment privés commerciaux, des mesures législatives et réglementaires ont été prises dès avril 2022 pour renforcer la transparence financière des établissements, en complément des mesures déjà existantes à la disposition de l’État, des ARS et des Départements de contrôle des EHPAD. 

Elles permettent de : 

  • Mieux repérer les détournements de fonds publics ;
  • Renforcer les moyens de sanction des autorités de contrôle et la récupération des indus ;
  • Lutter contre les pratiques commerciales trompeuses ou abusives.

Ainsi, depuis le 28 avril 2022, dans le cadre du décret n°2022-734, les gestionnaires des EHPAD doivent :

  • Inscrire les montants des rabais, remises et ristournes obtenus sur les achats et prestations, en recette dans le budget au bénéfice des EHPAD ;
  • Etablir une comptabilité analytique distincte pour chaque EHPAD attestée par un commissaire aux comptes lorsqu’un même organisme commercial en gère plusieurs, notamment pour connaître l’utilisation précise des dotations publiques et disposer d’informations sur la composition des marges et la nature des flux financiers ;
  • Transmettre un bilan comptable par établissement et service, avec les documents de clôture d’un exercice comptable ;
  • Produire les documents « complets » comprenant les sections hébergement non financées sur fonds publics (les cadres budgétaires normalisés « simplifiés » applicables aux EHPAD non habilités prévus par la loi ASV de 2015 étant supprimés).

Le délai d’identification et de rejet des charges non justifiées par la gestion normale d’un ESMS est fixé à cinq ans.

Pour renforcer davantage ces contrôles et engager plus de transparence, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (article 62) a créé de nouvelles dispositions.

Pour les établissements

La loi prévoit :

  • L’obligation pour un groupe de demander l’accord de l’ARS et/ou du conseil départemental pour pouvoir signer des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) à la place des établissements (entreprises privés) sur lesquelles il exerce un contrôle ;
  • La limitation dans le temps de l'usage des excédents faits sur les financements publics, et la possibilité pour les autorités de contrôle de les reprendre s’ils ne correspondent pas à un besoin objectif de l’établissement, afin d’éviter des détournements de fonds publics ;
  • L’obligation de transmettre une annexe en comptabilité analytique attestée par un commissaire aux comptes, sur les mouvements financiers entre les gestionnaires d’EHPAD à but lucratif, y compris les groupes et les EHPAD gérés, ainsi que sur l'utilisation des dotations publiques.

Pour les autorités de contrôles

La loi prévoit :

  • L’extension des pouvoirs de contrôle des ARS et des départements, qui pourront désormais contrôler non seulement les comptes des établissements et services à proprement parler, mais également ceux des gestionnaires et des groupes qui les contrôlent (sièges). Cette disposition sera également applicable à l’IGAS, à l’IGF ainsi qu’à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ;
  • La possibilité de recourir à des astreintes journalières lorsqu’un organisme contrôlé ne transmet pas les documents demandés à l’occasion de ce contrôle ;
  • Le recours à des sanctions financières dès que les règles budgétaires fixées par le code de l’action sociale et des familles (CASF) ne sont pas respectées
  • L’organisation des procédures de récupération des indus lors des contrôles de groupes de dimension nationale :  il est prévu que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) assure elle-même un recouvrement au niveau national, au profit des ARS et des Départements.

Renforcer la transparence des tarifs et des prestations des EHPAD pour les usagers

Certains EHPAD privés commerciaux appliquent des tarifs hébergement peu lisibles voire mensongers, comme en attestent les résultats des enquêtes 2019-2021 conduites par la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes). 

En cas de non-respect de la réglementation, la DGCCRF dispose, à la fois dans le code de la consommation et dans le CASF (Code de l’action sociale et des familles), d’une large palette de sanctions administratives et pénales applicables en fonction de la gravité des faits constatés.

En 2021, le taux d’anomalie était de 58 % : sur 293 établissements et prestataires externes contrôlés, 170 d’entre eux présentaient au moins une anomalie. Les manquements portaient principalement sur :

  • L’obligation d’information précontractuelle sur les prix : absence de communication des prix hébergement sur le site de la CNSA, absence totale de l’affichage ou affichage incomplet, sur site des « prix hébergement » et de la liste du socle de prestations ;
  • La formation des contrats et les clauses abusives ;
  • Les pratiques déloyales : facturation illicite de frais de dossier, de frais de blanchisserie du linge alors que cette prestation est intégrée dans le socle de prestations, etc. 

Pour prévenir les abus commerciaux de certains EHPAD

Le décret (n°2022-734) du 28 avril 2022, renforce les obligations des EHPAD vis-à-vis des usagers à partir de 2023, en :

  • Renforçant la lisibilité des contrats de séjours : précision de la liste des prestations minimales, mention de l’évolution des prix des prestations ;
  • Ajoutant des prestations au socle des prestations obligatoires des EHPAD, notamment l’accès à internet dans la chambre, le marquage et blanchissage du linge personnel ;
  • Renforçant les dispositions pour les EHPAD en cas de départ, de décès ou d’absence par l’encadrement des conditions de remboursement des arrhes ;
  • Donnant l’obligation de transmettre cinq indicateurs qui seront ensuite publiés sur le site www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr.

Ces indicateurs sont les suivants :

  • La composition du plateau technique (équipements) ;
  • Le profil des chambres : individuelles, doubles ou supérieures à 2 lits ;
  • Le nombre de places habilitées à l'aide sociale à l'hébergement (ASH) ;
  • La présence d'un infirmier de nuit et d'un médecin coordonnateur ;
  • Le partenariat avec un ou plusieurs dispositifs d'appui à la coordination des parcours de santé.

Des dispositions réglementaires permettant d’appliquer certaines décisions prises dans la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 seront prises au printemps.

La proposition de loi présenté par la majorité parlementaire portant des mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, comportent des éléments importants qui vont également dans le sens de toutes les mesures prises cette dernière année. 

Par exemple, les dispositions de la PPL permettraient d’enrichir la liste des indicateurs sur les EHPAD, qui seront publiés sur le site www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr, notamment sur les volets ressources humaines (taux d’encadrement, taux de rotation du personnel) ou financiers (budget quotidien pour les repas par personne).

Mieux repérer, mieux traiter, mieux prévenir les maltraitances

Pour renforcer la lutte contre les maltraitances des personnes vulnérables, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, a opéré une triple saisine en septembre dernier, afin de mieux documenter les maltraitances et disposer de propositions opérationnelles :

  • Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale de la justice (IGJ), concernant les circuits d’alerte et de traitement de la maltraitance, les systèmes d’information en place et les éventuels obstacles juridiques au partage d’informations ;
  • Une mission du Haut-Conseil de Santé publique (HCSP), concernant l’état des connaissances scientifiques, pour sortir des approches empiriques et construire une politique publique fondée sur les preuves ;
  • Une mission de la Conférence nationale de santé (CNS), concernant la mobilisation des parties prenantes de la démocratie en santé pour construire des réponses sur les territoires et porter le sujet au niveau sociétal et pas uniquement technique.

En complément, une mission de la Haute autorité de santé (HAS) a été lancé afin d’élaborer :

  • Un outil d’évaluation du risque de maltraitance envers les majeurs vulnérables à domicile ;
  • Et des outils permettant de mieux traiter les maltraitances survenues en institution.

La lutte contre les maltraitances va bénéficier à partir de février 2023 d’un nouveau dispositif de recueil des plaintes et réclamations permettant aux personnes accueillies et aux familles de pouvoir déposer en ligne une alerte concernant toute situation vécue au sein d’une institution qui sera reliée au système d’information utilisé par les ARS, ce qui permettra une plus grande réactivité.

Par ailleurs, le ministre lance en février 2023 une nouvelle étape : les États généraux de la maltraitance envers les adultes en situation de vulnérabilité.

Ces états généraux reposent sur trois séquences menées conjointement, dans une logique interministérielle et avec l’appui de deux parlementaires, réunis dans une logique transpartisane :

  • Une consultation des personnes concernées, de leurs familles et proches et de leurs représentants, et des professionnels de l’action sanitaire et sociale ainsi que leurs représentants ;
  • Un travail avec les forces de l’ordre dans le cadre d’une convention signée avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) ;
  • Un travail avec les ordres professionnels en vue de mieux repérer et de mieux orienter puis accompagner les personnes victimes de maltraitances.

Les résultats de tous ces travaux permettront d’enrichir la construction de la stratégie nationale de lutte contre les maltraitances qui sera lancée à l’automne 2023.

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