Échange de Jean-Christophe Combe avec Jérémie Boroy, président du CNCPH, en présence de Geneviève Darrieussecq
Le 30 août 2022, à l'occasion des 3e universités du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)
Publié le |
Échange de M. Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées avec M. Jérémy Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), en présence de Mme. Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée des personnes handicapées, à l'occasion des 3e universités du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Photo: Ministères sociaux / DICOM / Jeanne Accorsini / Sipa
Jérémie Boroy
Monsieur le ministre, bonjour.
Vous êtes ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées et vous représentez ce matin Mme Elisabeth Borne, la Première ministre, qui avait prévu d’être avec nous. Donc bienvenue, vous étiez déjà avec nous hier pour notre première journée, vous êtes venu avec Mme Geneviève Darrieussecq qui est votre ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Si vous en êtes d’accord, nous allons avoir un échange qui va nous permettre de balayer plusieurs sujets. Nous parlerons de la méthode du Gouvernement, nous parlerons de ressources, d’accès à l’emploi, nous parlerons d’accessibilité et d’école. Mais je voulais d’abord vous demander Monsieur le ministre, comment depuis votre entrée en fonction, depuis la nomination du Gouvernement et d’Élisabeth Borne, vous avez senti ou non, la mobilisation du Gouvernement sur les sujets qui sont les nôtres, à savoir de l’autonomie, de l’accessibilité et de la mise en œuvre des chantiers qui étaient précédemment engagés.
Jean-Christophe Combe
Merci Monsieur le Président, cher Jérémie.
Bonjour à tous. Permettez-moi de renouveler toutes les excuses de la Première ministre, qui malheureusement, souhaitait être là ce matin et en dernière minute a été retenue par des obligations impératives et nous a demandé avec Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, de bien vouloir la représenter ce matin. Et donc il me revient l’honneur de prendre la parole en lieu et place de la Première ministre. Elle m’a également dit qu’elle recevrait les membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) rapidement, c’est-à-dire avant la fin du mois de septembre pour pouvoir les rencontrer, et vous donner des perspectives sur les mois qui viennent, et ils seront extrêmement importants pour le secteur du handicap.
Alors c’est vrai que j’ai eu l’occasion de venir hier et de constater par moi-même la réussite de ces 3e universités d’été. C’est un lieu qui est important de rencontre, d’échange, entre l’ensemble des membres du secteur du handicap, les chercheurs, les représentants des pouvoirs publics aussi, et pour répondre directement à votre question, avec la présence de 8 ministres au cours de ces universités d’été cela marque l’engagement réel, plein et entier que nous avons pu ressentir Geneviève et moi depuis que nous avons été nommés ministres au début du mois de juillet, on sent un engagement, une mobilisation collective forte autour des sujets qui sont les vôtres. Elle est pleine et entière et c’est ce que vous aurait redit ce matin la Première ministre si elle avait pu être là.
Chacun a en tête, et je peux vous le confirmer, l’importance des sujets, l’interministérialité des sujets qui sont les nôtres ici. Et a à cœur de les porter dans son quotidien et dans chacune de nos feuilles de route. En tout cas j’ai ressenti une grande attente de la part des acteurs du secteur du handicap, a fortiori au regard de là d’où je viens, la Croix-Rouge française où j’étais précédemment et où nous avons beaucoup travaillé notamment avec Mme Céline Poulet à la construction d’une société beaucoup plus inclusive.
Alors ce que je voudrais dire également en propos préalable, c’est qu’on est là pour parler des perspectives mais redire aussi que le quinquennat précédent a été l’occasion d’avancées importantes, y compris sur des sujets comme l’école inclusive. Tout n’est pas parfait on le sait, il y a encore beaucoup de choses à améliorer et on est là justement pour construire ensemble le chemin que nous parcourrons ensemble dans les années qui viennent. Et puis vous dire enfin que derrière la question du handicap, et ça chacun en a bien conscience, ce sont des hommes, des femmes, des familles qui sont concernés et notre responsabilité collective est de faire en sorte que demain la société porte un autre regard sur la question du handicap, qu’elle soit beaucoup plus accueillante, qu’elle soit beaucoup plus inclusive, qu’elle reconnaisse aussi toute la diversité des handicaps (c’est ce que j’avais eu l’occasion de dire lors de ma première intervention devant le CNCPH en juillet).
C’est de notre responsabilité collective et de notre engagement plein et entier pour redonner et donner du pouvoir d’agir aux personnes en situation de handicap, qu’elles aient, que vous ayez la capacité de choisir votre chemin et votre parcours de vie.
Jérémie Boroy
Alors Monsieur le ministre, au-delà de ces intentions et de cet affichage volontaire de l’engagement du Gouvernement, l’interministérialité c’est d’abord de la méthode, ce sont des espaces de travail. Nous avons été témoins parce que nous l’avons poussé, nous l’avons voulu, nous nous sommes mobilisés, pour qu’il y ait notamment la mise en place d’un comité interministériel du handicap qui date de 2009, qui a commencé à se réunir en 2012 et qui, à partir de 2017, avec M. Edouard Philippe s’est réuni une fois par an et ensuite avec M. Jean Castex deux fois par an. Est-ce qu’avec Mme Elisabeth Borne nous allons garder le même rythme, la même mobilisation, les mêmes espaces de travail, les mêmes outils ? ou est-ce qu’on bazarde tout et on recommence ?
Jean-Christophe Combe
Alors peut-être un point de méthode. Vous dire, comme vous le savez sans doute, que demain le Président de la République et la Première ministre vont réunir l’ensemble du Gouvernement et la Première ministre va confier à chaque ministre une feuille de route. D’abord la nôtre, celle de Mme Geneviève Darrieussecq et la mienne, en tant que ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, qui sera d’ailleurs l’occasion de faire le lien aussi au travers de l’autonomie, entre la question du handicap et puis la question de la prévention, de la perte d’autonomie et de la question de l’autonomie pour les personnes âgées et c’est extrêmement important. Je vous rappelle que cette question avait d’ores et déjà était abordée dans le mandat précédent avec la création de la cinquième branche et donc on continuera à travailler dans ce sens.
La Première ministre a également souhaité que la question du handicap, et elle vous l’aurait dit à ma place ce matin, que cette question figure dans la feuille de route de chacun des ministres du Gouvernement et que ça soit une priorité pour chacun d’entre nous.
Pour redire cette dimension interministérielle du handicap, qui doit irriguer l’ensemble des politiques publiques du Gouvernement, que ce soit l’emploi, la santé, le transport, l’éducation, l’ensemble des politiques publiques dont nous avons la responsabilité.
Par ailleurs, nous souhaitons que la conception de ces politiques publiques se fasse en étroite collaboration avec le secteur, et donc notamment en associant fortement le CNCPH, comme ça a été le cas jusqu’à présent. C’est en ce sens que, le CNCPH sera et je vous l’annonce, un membre à part entière du Conseil national de la refondation (CNR), annoncé par le Président de la République. Qui sera donc une instance de partage, d’échange, de travail, pour relever des grands défis auxquels notre société est confrontée : l’école, l’emploi, la santé et l’autonomie, mais également la transition écologique…
Et le fait que nous soyons dans ce lieu est très signifiant pour nous, au regard de l’importance d’accompagner dans cette transition fortement les personnes en situation de vulnérabilité en général et en particulier les personnes en situation de handicap. Donc vous serez pleinement intégrés dans cette démarche du CNR comme un membre à part entière et on aura à cœur d’écouter votre parole.
On a également tous en vue la Conférence nationale du handicap (CNH), qui a lieu tous les 3 ans, et qui devrait se tenir normalement en février 2023. Je crois qu’au cours de cette mandature elle arrive au bon moment, puisqu’elle arrive au tout début de la mandature, et ça va nous permettre de fixer les objectifs, nos objectifs, et notre feuille de route collective pour les années à venir.
On doit d’ores et déjà lancer la préparation de la CNH et organiser les travaux, c’est pour ça que la Première ministre a souhaité qu’un Comité interministériel du handicap (CIH) se réunisse le 6 octobre prochain afin de fixer ensemble la méthode de travail pour cette future conférence nationale du handicap.
Ce « CIH de méthode » sera le point de départ de notre stratégie handicap et il est important qu’on puisse y publier à cette occasion une circulaire interministérielle sur l’attention permanente aux enjeux du handicap et du renforcement de nos outils de pilotage.
Vous m’avez posé la question, je vais y répondre immédiatement, elle devra confirmer l’engagement de tenir un CIH tous les 6 mois en conservant le format élargi aux représentants du monde associatif, tel qu’il avait été pratiqué précédemment.
Elle devra pérenniser le réseau des hauts fonctionnaires dédiés au handicap et à l’inclusion, et ce dans chacun des ministères, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et c’est un élément extrêmement important.
Autre élément important de cette circulaire, la dimension territoriale. On doit garantir le pilotage de la politique du handicap en poursuivant la désignation d’un sous-préfet référent handicap et inclusion. Et donc dans chaque département, on aura la désignation de ce sous-préfet référent, c’est ce que dira la circulaire.
Je souhaite aussi qu’on puisse garantir un suivi plus systématique des textes d’application concernant la dimension handicap et qui sont soumis à l’avis du CNCPH. Des textes qui malheureusement vous arrivent souvent trop tardivement. Et on va veiller à ce que vous ayez plus de temps pour donner un avis sur ces textes.
Enfin, je tiens également à maintenir les efforts sur la communication gouvernementale accessible. Je crois qu’il y a eu d’énormes progrès depuis 2 ans, notamment pour rendre les interventions des ministres, les dossiers de presse et les sites gouvernementaux accessibles.
On a encore du travail il faut notamment systématiser cette démarche avec la publication d’un schéma directeur de l’accessibilité de la communication de l’État. Qui va nous permettre de structurer une méthode pour rendre de façon concrète, accessible l’ensemble des communications de l’État. Tous ces éléments qui figureront dans cette circulaire seront la clé du renforcement de notre engagement collectif, j’en suis certain.
Jérémie Boroy
Donc, un CIH de méthode le 6 octobre, une CNH en février 2023, la confirmation d’un CIH tous les 6 mois, une circulaire qui fixe le cadre, la confirmation du réseau de hauts fonctionnaires au handicap et à l’inclusion, certains sont ici je les salue, le prolongement des travaux avec le Service d’information du Gouvernement pour une stratégie autour de la communication accessible. Là on retrouve les briques qui nous semblent essentielles pour un cadre de co-construction. Vous avez évoqué la place du CNCPH dans le dispositif de co-construction, vous allez le voir, nous sommes souvent très exigeants et très impatients pour être effectivement impliqués le plus en amont possible. Mais certainement que le Conseil national de la refondation (CNR) sera l’opportunité d’avancer dans cette voie.
Maintenant, Monsieur le ministre, d’autres sujets qui mobilisent peut-être d’autres outils dont des moyens financiers. Un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, qui a beaucoup fait parler et qui a suscité beaucoup de débat ces dernières années. Un débat qui s’est accéléré ces dernières semaines. Celui de l’allocation adulte handicapée (AAH) avec le principe de l’individualisation qui a finalement été retenu après des années de débat. Se pose maintenant la question de savoir jusqu’où nous allons et comment nous maintenons dans le même temps toutes les bonnes conditions nécessaires pour accéder à l’emploi.
Jean-Christophe Combe
C’est vrai que cette question de la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapée (AAH) est une vraie fierté pour nous avec Geneviève Darrieussecq que d’avoir pu la mettre en œuvre, l’obtenir dès notre arrivée au Gouvernement.
C’était un engagement du président de la République, qu’il a pris pendant sa campagne, qui avait notamment dit qu’il fallait corriger la méthode de calcul qui était injuste de l’allocation adulte handicapée.
La Première ministre l’a d’ailleurs rappelé dans sa déclaration de politique générale et a appelé à la nécessité de réformer en profondeur en partant du principe de la déconjugalisation. C’est-à-dire que nous avons là un début, mais qu’il va falloir poursuivre. On se félicite tous évidemment que ce sujet ait fait l’objet d’un consensus, d’un vote à la quasi-unanimité au parlement et que ce moment représente un moment historique pour les droits des personnes en situation de handicap, qui montre que la solidarité est au rendez-vous pour les personnes en situation de handicap. Néanmoins cette mesure, il faut le rappeler, s’inscrit dans le prolongement de ce qui a été fait lors de la mandature précédente, qui avait vu notamment l’augmentation de 100 euros de l’allocation sous le dernier quinquennat.
On a continué avec cette logique puisque qu’il ne vous aura pas échapper que cet été l’AAH a été augmenté de 4 % comme l’ensemble des prestations sociales, ce qui fait qu’elle atteindra 956 euros contre 800 euros en 2017.
C’est également 150 000 personnes qui ont vu leurs droits accordés à vie. Je crois que c’est vraiment une grande avancée là aussi pour les droits des personnes en situation de handicap que de ne plus avoir à rejustifier de cette situation a fortiori lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer au cours de la vie.
Alors, je reviendrai peut-être pour terminer, sur la suite. Vous avez vu que l’accord qui a été trouvé avec le Parlement, et on a réunis avec Geneviève en juillet les parlementaires du Sénat, de l’Assemblée nationale, de l’ensemble des groupes politiques, pour obtenir cet accord. L’accord qui a été trouvé c’est une mise en application, au plus tard, en octobre 2023 et donc on va tâcher d’ici-là de tout faire pour accélérer le calendrier.
Peut-être un mot sur la raison pour laquelle on est sur cette date d’octobre, je sais que vous attendez tous avec impatience et c’est normal la mise en application rapide de cette mesure, néanmoins il fallait qu’on fasse en sorte qu’il n’y ait pas de perdants dans cette mise en œuvre. Puisque vous le savez, si elle permet d’améliorer l’allocation pour un grand nombre de bénéficiaires de l’AAH, une mise en place sèche de la déconjugalisation conduirait à diminuer les ressources d’environ 45 000 personnes en situation de handicap et des personnes qui bénéficient de revenus plus faibles que tous ceux qui gagneraient avec cette réforme. Donc notre objectif, c’est de trouver et de construire un dispositif qui permette de compenser cette perte pour ceux que la déconjugalisation viendrait impacter négativement.
Et puis ensuite il faut du temps aux équipes de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) pour mettre en œuvre cette mesure et transformer notamment les systèmes d’informations pour rendre cette mesure opérationnelle et la plus sécurisée possible, cela demande environ 9 mois techniquement. On va travailler avec Geneviève à la rédaction d’un décret d’ici cet automne pour donner le cadre de la mise en œuvre de cette mesure. On travaillera avec vous, l’idée c’est vraiment de se concerter dans les semaines qui viennent avec les acteurs et les personnes concernées, avec les parlementaires encore, pour finaliser ce décret et mettre en œuvre la mesure.
Je précise enfin qu’évidemment la déconjugalisation de l’AAH n’épuise pas tout le débat autour de la question des ressources notamment des personnes en situation de handicap ou de la compensation du handicap. Je sais que le CNCPH travaille d’ores et déjà sur ces questions-là.
Il faudra qu’on aborde également la question de façon peut-être plus large notamment en parlant d’accès à l’emploi, d’accès aux crédits, de sujets qui sont beaucoup plus larges.
Et puis dernier point dans cette approche plus large, nous avons évidemment bien en tête la question de l’aberration parfois du calcul de l’AAH, notamment lorsqu’elle coïncide avec une reprise d’activité ou une activité partielle. Il n’est évidemment pas normal que cette activité partielle ne permette pas aux personnes en situation de handicap d’améliorer leurs revenus et donc ça fait partie des éléments qu’on devra évidemment corriger dans nos discussions dans les mois qui viennent, puisque notre objectif collectif est quand même de faire en sorte de pouvoir permettre aux personnes en situation de handicap de travailler en milieu ordinaire et de reprendre un emploi dans de bonnes conditions.
Jérémie Boroy
C’est un débat que nous aurons d’ailleurs demain soir ici sur le plateau, pour savoir si la déconjugalisation est l’unique solution pour lutter contre la précarité des personnes handicapées. Donc plusieurs intervenants seront avec nous et merci d’avoir fait référence aux chantiers engagés par le CNCPH pour, avec l’ensemble des parties prenantes, remettre à plat le dispositif. Pour un dispositif beaucoup plus juste, qui permette effectivement de lutter contre la pauvreté.
Un autre sujet Monsieur le ministre, c’est celui de l’accessibilité. L’accessibilité pour laquelle on peut peut-être dire que ces cinq ou dix dernières années il n’y a pas eu abondance en la matière et même plutôt au contraire, un cumul de retard pris par l’ensemble des acteurs. Nous sommes à deux ans de la fin des échéances prévues par la loi de 2014 avec les agendas d’accessibilité programmée. Nous alertons régulièrement les pouvoirs publics avec les chiffres que nous avons de la délégation ministérielle à l’accessibilité qui suit la mise en œuvre de ces agendas. Nous sommes très en retard.
Jean-Christophe Combe
Alors, sur la question de l’accessibilité universelle, surtout sur la politique d’accessibilité, on a bien conscience et on le porte comme un enjeu primordial de nos politiques publiques. On voit bien que 15 ans après la loi de 2005 qui le porte, c’est sans doute l’un des chantiers les plus compliqués et sur lequel on a collectivement pris du retard, État, collectivités mais également entreprises. C’est une responsabilité collective car l’accessibilité c’est l’accès aux biens et aux services, c’est l’accès aux services publics et aux équipements publics, c’est aussi et je l’ai dit tout à l’heure l’accès aux moyens de communication, aux moyens de transport, à l'habitat… Bref c’est tout ce qui permet de se sentir pleinement comme un citoyen à part entière. Et c’est d’ailleurs un enjeu qui dépasse le champ du handicap puisqu’avec le vieillissement démographique, et ça rentre évidemment dans mon champ de compétences, nous aurons de plus en plus à cœur de garantir l’autonomie des personnes au sens large. Et donc on souhaite des avancées fortes et tangibles, rapides, sur cette question de l’accessibilité.
Et on a une première urgence, je sais qu’elle vous tient à cœur, qui est celle de la transposition de la directive européenne portant sur l’accessibilité des biens et services. C’est une directive cruciale car elle fixe des obligations d’accessibilité à horizon 2025 pour tout un ensemble de biens et de services de la vie quotidienne (je pense notamment aux terminaux bancaires, au commerce en ligne, aux distributeurs de titres de transport, à l’édition de livres…), et je sais qu’il y a très une forte attente des associations pour prendre connaissance de son contenu.
Donc il est important de pouvoir aboutir à cette transposition d’ici à la fin de l’année et de faire en sorte qu’un projet soit discuté préalablement avec les associations du handicap cet automne.
On doit progresser dans l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP). Vous l’avez dit, les agendas d’accessibilité (Ad’ap), ont été lancés en 2014, ils doivent s’achever d’ici deux ans (2024). Si ces dispositions ont permis un indéniable effet d’accélération, c’est près de 700 000 ERP qui aujourd’hui sont engagés dans une démarche d’accessibilité. On sait que cette démarche reste encore fragile, notamment s’agissant de la mise aux normes des ERP de petites catégories. Et c’est pourtant un sujet essentiel pour la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. Nous devons agir de concert avec les collectivités pour aller plus loin dans la démarche car c’est l’investissement local qui doit nous aider à avancer.
C’est le sens de la proposition du président de la République que de déployer des fonds territoriaux d’accessibilité. Je pense que ça va être un levier majeur de transformation et d’amélioration de l’accessibilité sur les territoires, il nous reste encore à concevoir et à bâtir ensemble, avec les élus locaux, cette nouvelle démarche dans les prochains mois.
Je sais enfin que d’autres chantiers visibles pour la vie quotidienne des personnes ont été lancés et sont attendus. Je pense notamment au portail permettant l’accès aux livres accessibles. Je pense également au sujet qui vous tient à cœur, puisque vous avez remis un rapport sur ce sujet, qui est le déploiement de l’accessibilité téléphonique ou encore la démarche pour rendre les universités plus accessibles. Et je sais que Geneviève Darrieussecq et Sylvie Retailleau sont particulièrement engagées sur ce sujet-là. Je pense aussi au rendez-vous - et la Maire de Paris y a fait référence tout-à-l’heure - des Jeux olympiques et paralympiques qui doivent aider à porter ce chantier, puisque 350 000 visiteurs en situation de handicap sont attendus pour ces événements. Une aide à l’acquisition de taxis propres - je vous rappelle - et accessibles a été instaurée en mai 2022. Le CNCPH s’était d’ailleurs prononcé en faveur de cette mesure qui doit nous permettre d’atteindre 1 000 taxis parisiens accessibles d’ici à 2024.
Ça ne sera pas la seule mesure évidemment de mise en accessibilité de nos services publics d’ici aux Jeux olympiques et l’État travaille par ailleurs avec Ile-de-France Mobilités à offrir un maximum de solutions adaptées à la mobilité pendant ces Jeux.
Jérémie Boroy
Donc il y a encore du chemin mais des perspectives. Donc les ponts territoriaux et puis l’ensemble des chantiers, l’accessibilité du cadre bâti, des ERP, des transports… Nous recevons tout à l’heure Jean-Noël Barrot d’ailleurs pour échanger sur le chantier en cours de transpositions de la directive européenne sur l’accessibilité des biens et des services dans le droit français et vous avez évoqué l’enseignement supérieur, qui est aussi un des chantiers prioritaires du CNCPH pour cette mandature.
Votre collègue chargée de l’enseignement supérieur nous a reçus vendredi dernier et c’est, je dois le dire ici, la première fois qu’une ministre de l’Enseignement supérieur se montre aussi engagée sur le sujet. On revenait de très loin et c’est une très bonne nouvelle.
Monsieur le ministre encore deux sujets avec vous : celui de l’école et celui de l’emploi. L’école, nous avons reçu hier soir le ministre de l’Éducation nationale ici. Nous recevons ce soir-là, la Défenseure des droits que certains et certaines ont peut-être entendue avec des propos assez étonnants ce matin dans les médias.
Comment le sujet de l’école qui prend en compte l’ensemble des besoins, l’ensemble des parcours est-il abordé par le Gouvernement ?
Jean-Christophe Combe
Je voudrais d’abord vous dire que le Gouvernement a pleinement conscience de la particularité et de la sensibilité de la période pour les familles qui ont des enfants en situation de handicap et en particulier pour celles qui n’ont pas de solution immédiate et qui parfois évidemment peuvent attendre des semaines avant d’avoir une solution. On a parfaitement conscience de ces difficultés et de ce qu’elles peuvent représenter encore une fois pour les familles.
On a évidemment entendu les difficultés qui sont pointées par la Défenseure des droits, Mme Claire Hédon, puisque dans le rapport qu’elle a remis hier sur la scolarisation des enfants handicapés, elle relève que cette problématique concentre 20 % des réclamations, des saisines qui sont adressées au Défenseur des droits chaque année. Pour autant, dans cette période de rentrée, je vous dis toute la mobilisation des rectorats, des agences régionales de santé ainsi que des cellules d’écoute handicap école.
Je vous rappelle qu’on a mis en place un numéro vert : chacune des familles peut appeler ce numéro pour qu’on aide les familles à trouver des solutions pour cette rentrée.
Néanmoins, cette rentrée est aussi révélatrice de difficultés individuelles qui sont parfois insoutenables, je vous le disais, lorsqu’on n’a pas de solution.
Pour autant les progrès sont réels, c’est près de 430 000 élèves handicapés qui sont aujourd’hui scolarisés dans les établissements scolaires. C’est trois fois plus qu’en 2004 et c’est 30 % de plus qu’en 2017.
Ce à quoi il faut ajouter 67 000 élèves scolarisés dans les établissements hospitaliers ou en établissement médico-social.
S’agissant de l’accompagnement des enfants, on aura plus de 130 000 Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) présents à l’école cette année. C’est 4 000 ETP supplémentaires qui vont être mis en place pour cette rentrée 2022. Donc 4 000 de plus qu’en 2021 c’est là aussi un effort considérable. Néanmoins la Défenseure des droits, vous l’avez dit, met en évidence des points sur lesquels on a des marges de progrès et pour lesquelles il faut continuer une réflexion avec l’ensemble des acteurs du handicap, autour de plusieurs axes.
D’abord le besoin de facilité prioritairement l’inclusion dans le milieu scolaire ordinaire c’est notre priorité vraiment, rendre l’école accessible, rendre l’école inclusive pour tous les élèves. Ça implique notamment que le médico-social puisse intégrer les murs de l’école mais également d’un autre côté que les enseignants puissent être formés aux enjeux du handicap. Je crois qu’on a un gros effort à faire de ce point de vue-là. En 2021 je vous rappelle qu’on a rendu obligatoire le module de formation dans la formation initiale des professeurs, des contenus pédagogiques sur la question de l’accueil des élèves en situation de handicap.
Le deuxième axe qui va nous falloir développer c’est celui de la nécessité d’améliorer la situation des accompagnants. Je pense notamment évidemment aux AESH pour réduire leur précarité, stabiliser leur situation et rendre aussi le métier plus attractif. Il faut que les AESH puissent accéder à des contrats à temps plein et qu’il y ait une continuité de prise en charge au-delà du temps scolaire.
C’est la rupture sur le temps périscolaire qui engendre ces ruptures de parcours de prise en charge d’accompagnement mais aussi complique le statut des accompagnants et c’est vraiment ce qu’il faut qu’on travaille de concert avec les collectivités.
Enfin 2 sujets me semblent aussi importants pour la scolarisation. En amont du parcours, assurer la détection précoce des handicaps et en particulier des handicaps psychiques, ce qui me permet d’ailleurs de saluer Mme Claire Compagnon qui est présente ici à nos côtés et qui avec la stratégie qu’elle a élaborée depuis 2018 sur l’autisme et les troubles du neurodéveloppement assure notre mobilisation collective pour la détection précoce de ces handicaps.
Nous avons permis ainsi le repérage de 30 000 enfants de 0 à 6 ans de façon précoce et je pense que c’est un progrès formidable puisqu’il serait compliqué d’améliorer la vie de ses enfants sans que nous puissions opérer ce diagnostic. D’ailleurs cette stratégie arrive à son terme en 2022, ça sera un chantier à part entière que d’assurer son renouvellement que l’on portera évidemment à l’occasion de la Conférence nationale de handicap en début 2023.
Et puis le dernier sujet, c’est plutôt en aval du parcours, je vous l’ai dit, c’est la continuité du parcours entre l’école et l’enseignement supérieur. Il y a 430 000 élèves qui sont en situation de handicap qui sont accueillis à l’école et on a seulement 40 000 étudiants qui sont aujourd’hui accueillis à l’université et je crois qu’on a de grands progrès à réaliser ensemble. On a doublé cette année les moyens pour assurer l’accompagnement des étudiants en situation de handicap puisqu’ils sont passés de 7 millions et demi d’euros à 15 millions d’euros. Il faut qu’on aille plus loin pour créer l’université exemplaire et accessible pour l’ensemble des étudiants handicapés.
Jérémie Boroy
Effectivement sur le sujet de l’enseignement supérieur, la question se pose aussi et surtout j’ai envie de dire, en termes d’accessibilité. C’est bien le sens de la démarche que nous souhaitons engager ensemble. Pour que l’environnement des sites d’enseignement supérieur soit d’abord accessible avant que nous ayons à penser à des formes d’accompagnement.
Monsieur le ministre, vous avez un collègue qui est chargé du plein emploi, est-ce que cet objectif affiché du plein emploi concerne également les personnes handicapées ?
Jean-Christophe Combe
Le combat pour le plein emploi, c’est le combat du Gouvernement dans son ensemble et pas seulement celui du ministre du Travail.
On est tous engagés dans cette dynamique-là et c’est une dynamique qui inclut l’ensemble des personnes handicapées. On est convaincu là aussi qu’on peut faire beaucoup mieux pour permettre à ceux qui le souhaitent de s’insérer par le travail.
Je crois que la Première ministre dans ses fonctions précédentes avait d’ailleurs beaucoup œuvré dans ce sens. Je pense notamment au doublement du nombre d’apprentis, même si ça reste encore faible dans l’absolu, on a quand même doublé le nombre d’apprentis et puis on doit aller plus loin dans cette dynamique-là.
Le déploiement aussi du dispositif d’emploi accompagné, qui a permis de soutenir 6 000 personnes. Je crois que le rapprochement des réseaux Cap Emploi et Pôle emploi a permis de réaliser la simplification des démarches d’insertion, il faudra là aussi qu’on poursuive cette dynamique.
Et puis dans le cadre du plan France relance, on a agi avec une aide exceptionnelle au recrutement de 4 000 euros pour trouver un emploi à près de 25 000 travailleurs handicapés et dont les deux tiers ont été embauchés en CDI.
Je rappelle que le taux de chômage a aussi fortement diminué chez les personnes en situation de handicap puisqu’il est passé de 18 à 14 % sous la précédente mandature. C’est évidemment très insuffisant quand on sait qu’il reste le double de la population générale et donc il va falloir qu’on poursuive la sensibilisation des employeurs et des entreprises. Ceux qui me connaissent savent que c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur pour favoriser la démarche d’insertion des personnes en situation de handicap dans le milieu du travail ordinaire, dans toutes les entreprises, dans le secteur public également. Je suis aussi très promoteur de démarches comme le DuoDay, qui permet aussi de changer de regard, tant du côté des personnes en situation de handicap que du côté des employeurs et des salariés du milieu ordinaire.
Il faudra qu’on continue aussi à simplifier, pour fluidifier les parcours des personnes en situation de handicap comme ça a été le cas avec l’inscription dans la loi 3DS de plusieurs mesures notamment sur la facilitation de la reconnaissance de la qualité des travailleurs handicapés (RQTH), notamment avec la l’automatisation de la délivrance de la reconnaissance pour les jeunes de plus de 16 ans qui sont déjà accompagnés par les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), ou encore en facilitant les trajectoires en Établissement et service d'aide par le travail (ESAT) et milieu ordinaire, puisque la loi a rendu possible le cumul emploi partiel en ESAT et en milieu ordinaire.
Je sais que l’objectif du plein emploi pose aussi un sujet majeur qui est celui du recrutement dans les métiers du handicap. On en a parlé hier à l’occasion de la table ronde donc je ne vais pas revenir sur l’ensemble de ce qu’on s’est dit. Parce que là aussi on a des solutions.
Des rapports ont été écrits, des mesures ont déjà été prises et puis c’est un sujet qui concerne l’ensemble du champ sanitaire, social, médico-social, qui est une priorité pour le Gouvernement pour rendre ses emplois plus attractifs et pouvoir recruter, former massivement des professionnels dans ce secteur-là.
Il y a une mesure qui me tient à cœur, j’aurais voulu en parler hier mais je souhaitais laisser la Première ministre l’annoncer elle-même. C’est que le projet de loi travail qui passera en Conseil des ministres le 7 septembre prévoira l’élargissement de l’accès aux démarches de valorisation des acquis de l’expérience (VAE) pour les proches aidants. Je sais que c’est quelque chose qui vous tient à cœur. Je pense que c’est quelque chose qui est extrêmement important et qui permettra d’obtenir là aussi de grandes avancées et de rendre plus attractif les métiers qui concourent au secteur du handicap.
Jérémie Boroy
Alors sachez monsieur le ministre qu’il y a aussi une autre condition pour que nous puissions atteindre le plein-emploi, c’est quelque chose que nous attendons depuis maintenant, je crois, 17 ans. C’est le décret sur l’accessibilité des lieux de travail, qui est un préalable à toute démarche d’insertion et d’accès à l’emploi. Donc 17 ans que nous attendons que ce décret soit pris. Vous pouvez compter sur la détermination du CNCPH pour, avec vous, parvenir à faire avancer ce texte.
Nous arrivons à la fin de notre entretien de ce matin, peut-être un mot sur la collaboration avec le CNCPH et notre méthode de co-construction.
Jean-Christophe Combe
Je crois que vous avez compris que le Gouvernement considère le CNCPH comme un lieu incontournable pour l’élaboration des politiques publiques qu’on aura à mettre en œuvre dans les mois et les années qui viennent. J’ai fait ce matin un certain nombre d’annonces très concrètes, tracé un chemin que nous allons travailler ensemble. Vous rencontrerez en vrai la Première ministre dans les jours qui viennent, pour justement construire cette feuille de route, préparer le comité interministériel, et préparer la conférence nationale du handicap.
Ce n’est pas le travail qui manque. En tout cas, vous pouvez compter sur l’engagement et la mobilisation pleine et entière de l’ensemble du Gouvernement, évidemment de Geneviève Darrieussecq et de moi-même, à vos côtés pour porter votre parole et mettre en œuvre cette vision et construire les politiques publiques associées.
Jérémie Boroy
Merci beaucoup Monsieur le ministre, merci pour ce temps.