Dossier thématique du CNLE : Santé et précarité
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Retrouvez un dossier thématique du Conseil national contre l'exclusion et la pauvreté (CNLE) sur la santé et la précarité.
Aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS)
Destinée aux personnes aux revenus modestes, l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) leur donne droit, durant un an, à une aide financière pour payer une partie de la complémentaire santé.
L’ACS concerne toutes les personnes dont les ressources sont faibles mais légèrement supérieures au plafond de revenu fixé pour l’attribution de la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-c), c’est-à-dire ne dépassant pas de plus de 35 % ce plafond annuel, qui est de 8 653,16 €, en métropole, pour une personne seule (en 2016).
L’ACS donne droit, durant un an, à une aide financière pour payer une complémentaire santé, choisie parmi les offres spécialement sélectionnées par le ministère de la Santé. Le montant accordé dépend de l’âge du bénéficiaire. Il varie de 100 € par an (pour les moins de 16 ans) à 550 € par an (pour les personnes de 60 ans et plus).
Lors de visites chez le médecin, l’ACS permet également de bénéficier d’une dispense totale d’avance des frais (tiers-payant), mais aussi de bénéficier des tarifs médicaux sans dépassement d’honoraires dans le cadre du parcours de soins coordonnés, quel que soit le médecin, même s’il pratique des honoraires libres (professionnels en secteur 2), sauf en cas d’exigences particulières de la part du patient (visite en dehors des heures habituelles de consultation, visite à domicile non justifiée...). Enfin, l’ACS permet d’être dispensé des franchises médicales et de la participation forfaitaire d’un euro.
Émergence des notions de santé, d'exclusion sociale et de privation des soins
La Sécurité sociale : de la protection sociale à la réduction des inégalités de santé
La Sécurité sociale est l’institution de la Protection sociale chargée de sécuriser les travailleurs salariés exposés à des risques sociaux. Mais à l’époque de sa création, la notion de risque social n’envisageait pas l’exclusion sociale.
La protection des exclus de la Protection sociale s’est alors appuyée sur les programmes de vaccination et la Protection maternelle infantile (PMI). Ainsi était assuré l’accès aux soins les plus élémentaires pour l’ensemble de la population.
Naissance de la Protection sociale
À la sortie de la guerre, la France se dote d’un arsenal législatif cohérent, renforçant les acquis sociaux des décennies passées :
- L’ordonnance 45-10 du 4 octobre 1945 (J.O du 6 octobre) institue la Sécurité sociale ;
- L’ordonnance 45-2407 du 18 octobre 1945 institue le Service national d’hygiène scolaire et universitaire ;
- L’ordonnance 45-2454 du 19 octobre 1945 relative au régime des Assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles instaure l’affiliation obligatoire aux assurances sociales ;
- L’ordonnance 45-2720 du 2 novembre 1945 instaure la Protection maternelle infantile (PMI) ;
- La loi 46-1146 du 22 mai 1946 généralise la sécurité sociale à l’ensemble de la population et le décret 46-1378 du 8 juin 1946 porte règlement d’administration publique pour l’application de l’ordonnance du 6 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.
Ce sont enfin l’ordonnance 67-706 du 21 août 1967 relative à l’organisation administrative et financière de la Sécurité sociale et l’ordonnance 67-828 du 23 septembre 1967 relative à l’assurance maladie qui ont étendu et réorganisé la Sécurité sociale.
La Sécurité sociale française est donc un ensemble de dispositions légales qui garantissent les seuls assurés sociaux, et leurs ayants droit, contre certains risques sociaux (maladie, maladie professionnelle, invalidité, accident du travail, décès).
Pour ce qui s’agit de la Sécurité sociale, elle est inspirée du système allemand de 1870 connu sous le nom de système de Bismarck.
À cette époque le chancelier Otto von Bismarck met en place une protection sociale au profit des travailleurs, reposant sur un principe de solidarité entre catégories professionnelles.
Cette protection est financée par des cotisations prélevées sur salaire et gérée par des caisses de sécurité sociale elles-mêmes gérées par les partenaires sociaux. De fait, une partie de la population allemande est exclue, pour cette dernière est mis en place un filet de sécurité reposant sur un principe d’universalité.
Le législateur français de 1946 s’est aussi inspiré du modèle britannique, connu comme le modèle de Beveridge. En 1942, Lord William Beveridge fait un rapport qui doit servir de base de réflexion à un programme dit de Welfare state. En effet, l’État providence est considéré comme pilier de tout progrès social (l’État doit intervenir), la santé et l’assurance maladie doivent profiter au citoyen.
En théorie, il n’y avait pas dans ce système d’exclusion, puisqu’il reposait sur un principe de solidarité (riches/pauvres, malades/biens portants), d’unité (un seul régime), d’uniformité et d’universalité (les mêmes prestations pour tous les citoyens), et parce que le financement reposait sur l’impôt (le budget de l’assurance maladie était voté par le Parlement britannique).
Ce n’est qu’à cause des fluctuations dans les divers budgets votés que se sont développés des soins privés pour pallier l’offre publique alors insuffisante.
On le voit bien, le système français de Sécurité sociale, inspiré par Pierre Laroque, est entre les deux modèles cités.
Rappelons que ce haut fonctionnaire avait rejoint la résistance à Londres et connaissait bien le modèle beveridgien. Le modèle français repose alors sur le principe de la Solidarité nationale.
Dans le système français de Sécurité sociale on distingue quatre régimes de cotisation : le régime général des salariés et assimilés, le régime agricole des exploitants agricoles, le régime des indépendants (pour les travailleurs non salariés non exploitants agricoles) et les régimes spéciaux des fonctionnaires, des militaires.
On y distingue également quatre branches gérées par des organismes privés : la branche maladie, la branche vieillesse, la branche famille et la branche recouvrement. Une cinquième branche existerait pour certains auteurs : la branche dépendance.
Pour ce qui s’agit de la branche maladie de la Sécurité sociale, il existe un système de protection de base, donc financé par des cotisations fonction de la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance (salariés, indépendants, régimes spéciaux), auquel peuvent venir s’ajouter des assurances complémentaires, voire sur complémentaires, mais également fonction des revenus. Aujourd’hui, la population est à 93 % couverte par un régime complémentaire.
Il convient de rappeler que la Sécurité sociale et la protection sociale de la première partie du XXe siècle se distinguaient à l’époque de l’Aide sociale développée au cours de la deuxième partie du XXe siècle.
En effet, le législateur d’après guerre souhaitait protéger le travailleur salarié qui par son travail contribuait à la création de la richesse nationale, bien utile en période de reconstruction.
De la protection sociale du travailleur salarié à la réduction des inégalités de santé par les dispositifs de prévention
Il faut noter que si la Protection sociale n’avait pas pour objectif originel de lutter contre les Exclusions sociales, de fait, elle y contribue aujourd’hui - par l’intermédiaire de l’Assurance maladie - en finançant divers dispositifs qui tendent à réduire les inégalités dans l’accès aux soins.
À titre d’exemple on peut citer les campagnes de vaccinations. Il s’agit là d’un véritable dispositif préventif apparu après guerre pour protéger la population des grands fléaux tels tuberculose et syphilis.
Pendant de très nombreuses années, la tuberculose a été un fléau meurtrier dans la plupart des pays du monde et était jusqu’aux années 1950 la première cause de mortalité par infection (et plus encore de mortalité infantile) en Europe et aux États-Unis.
Dès les années 1920 Albert Calmette et Camille Guérin avait mis au point le BCG (pour bacille de Calmette et Guérin) à l’Institut Pasteur de Lille, la vaccination des enfants et adolescents a été rendue obligatoire dès les années 1950, et suspendue au cours de l’été 2007 (l’arrêt de la commercialisation du vaccin BCG ne date que de décembre 2005).
S’agissant de la syphilis, maladie vénérienne, elle causait jusqu’au début du XXe siècle près de 150 000 morts. Il faut attendre 1943 pour disposer de la pénicilline (découverte à la fin des années 1920) et attendre 1955 pour la première génération de traitements antibiotiques.
On peut également citer en exemple le dispositif de la Protection maternelle infantile (PMI) instaurée par l’ordonnance 45-2720 du 2 novembre 1945.
Cette protection consistait à organiser des consultations prénuptiales, prénatales et postnatales, des actions de prévention en faveur des femmes enceintes, des actions de prévention dans les écoles maternelles (vaccinations), des actions de formation des assistantes maternelles, des actions de prévention des mauvais traitements.
La loi 89-899 du 18 décembre 1989 relative à la protection et à la promotion de la santé de la famille et de l’enfance et adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé prévoyait, dans son article 2, que soit énoncé dans le Code de santé publique, dans un article L. 152, que « lorsqu’un médecin du service départemental de Protection maternelle infantile estime que les circonstances font obstacle à ce que l’enfant reçoive les soins nécessaires, il lui appartient de prendre toute mesure relevant de sa compétence propre à faire face à la situation ».
Le texte n’avait pas manqué de préciser que les frais occasionnés par les contrôles sont supportés par l’État (Art. L. 185), donc le département, et que les frais occasionnés par les examens de PMI concernant les assurés et leurs ayants droit sont remboursés au département par les organismes d’assurance maladie dont relèvent les intéressés (Art. L. 186).
Aujourd’hui, le service de Protection maternelle infantile est un service du département, dirigé par un médecin et comprenant des personnels qualifiés (domaines médical, paramédical, social et psychologique). Plus généralement, ce service est donc chargé d’assurer la protection sanitaire de la famille et de l’enfant.
Histoire de l'hôpital et prise en charge des personnes en situation de pauvreté
L’histoire de l’Hôpital montre une évolution dans sa mission, à l’origine pour l’hébergement charitable du pauvre, il a fini par assurer la prise en charge médicale des malades dans le cadre d’un service public hospitalier.
Pour rappel, les premiers hôpitaux n’étaient pas destinés aux malades mais à l’hébergement des pauvres. En effet, au Moyen Âge, les hôpitaux sont fondés par l’Église selon les préceptes religieux tels charité et accueil.
La notion centrale est la gratuité, les structures sont construites pour les personnes les plus indigentes. À noter qu’ils étaient alors pour la plupart construits en dehors des villes, sans vocation médicale.
Au XVIIe siècle, la pauvreté devient un problème politique et l’État s’en empare. Sont alors créés des hôpitaux pour recueillir les sans logis, les mendiants, les exclus.
Cependant, ils restaient des lieux d’enfermement des pauvres, des marginaux, et des fous. Des auteurs de l’époque ont pu parler d’un grand enfermement. La création de l’hôpital général à Paris, puis dans chaque grande ville française, en est l’exemple.
Les révolutionnaires voyaient donc l’hôpital comme la pire des institutions de l’Ancien régime.
Souhaitant un grand système d’assistance généralisée, ils ont opté pour un système décentralisé dans lequel l’hôpital est rattaché à la commune (loi du 16 octobre 1796).
À partir de la moitié du XIXe siècle, la législation va s’attacher à transformer l’hôpital en renforçant sa mission médicale. La loi du 7 août 1851 dite d’assistance publique pose les prémices du service public hospitalier actuel en énonçant « lorsqu’un individu privé de ressources tombe malade dans une commune, aucune condition de domicile ne peut être exigée pour son admission à l’hôpital existant dans la commune ».
La loi du 14 juillet 1905 sur les vieillards, les infirmes et les incurables donne à tout français privé de ressources, incapable de subvenir par son travail aux nécessités d’existence, âgé de plus de 70 ans ou ayant une maladie incurable, d’être accueilli gratuitement dans les hôpitaux ou les hospices.
Un autre texte fondamental est la loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices publics (et son décret d’application 43-891 du 17 avril 1943) qui ouvre l’hôpital à toute la population mais qui institue un prix à la journée d’hospitalisation.
La seconde évolution était l’œuvre de la réforme Debré menée par le premier ministre de l’époque Michel Debré et inspirée par le Professeur Robert Debré.
Cette réforme s’appuyait sur l’ordonnance 58-1373 du 30 décembre 1958, portant création de centres hospitaliers et universitaires (CHU), réforme de l’enseignement médical et développement de la recherche médicale, et sur la loi 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés.
L’ordonnance énonçait dans son article premier : « Dans les villes sièges de facultés de médecine, de facultés mixtes de médecine et de pharmacie ou d’écoles nationales de médecines et de pharmacie, les facultés ou écoles et les centres hospitaliers organisent conjointement l’ensemble de leurs services en centres de soins, d’enseignement et de recherche, conformément aux dispositions de la présente ordonnance. Ces centres prennent le nom de « centres hospitaliers et universitaires ».
L’idée centrale était qu’une partie du personnel médical des hôpitaux universitaires devait être conduite à devenir temps plein, et à partager ce temps entre les soins, l’enseignement et la recherche.
Les hôpitaux devenaient des lieux de pratique professionnelle et de recherche, réunissant praticiens et universitaires. L’hôpital devient alors un pôle d’excellence médicale. Cette forme d’élitisme conduit à quelque peu oublier les pauvres.
Il faut alors attendre la loi 91-748 du 31 juillet 1991, dite de réforme hospitalière, pour qu’il y ait un rappel de la mission de service public des hôpitaux.
Cette loi insérait dans le chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la santé publique, une section 2 intitulée « Dispositions propres au service public hospitalier », dont l’article L. 711-3 énonçait alors « Le service public hospitalier exerce les missions définies à l’article L. 711-1 et, de plus, concourt : À l’enseignement universitaire et postuniversitaire et à la recherche de type médical, odontologique et pharmaceutique, à la formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers, à la recherche médicale, odontologique et pharmaceutique, à la formation initiale et continue des sages-femmes et du personnel paramédical, aux actions de médecine préventive et d’éducation pour la santé, à l’aide médicale urgente ».
Cette loi insérait également un article L. 711-4 énonçant : « Le service public hospitalier est assuré : par les établissements publics de santé ; par ceux des établissements de santé privés qui répondent aux conditions fixées aux articles L. 715-6 et L. 715-10 », et précisant « Ces établissements garantissent l’égal accès de tous aux soins qu’ils dispensent. Ils sont ouverts à toutes les personnes dont l’état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de les accueillir de jour et de nuit, éventuellement en urgence, ou d’assurer leur admission dans un autre établissement mentionné au premier alinéa », « Ils dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et veillent à la continuité de ces soins, à l’issue de leur admission ou de leur » et « Ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les malades en ce qui concerne les soins. Ils ne peuvent organiser des régimes d’hébergement différents selon la volonté exprimée par les malades que dans les limites et selon les modalités prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ».
Textes législatifs et réglementaires
De 2000 à nos jours
- 1er juillet 2015 : Réforme de l’ACS : les bénéficiaires doivent choisir leur contrat de complémentaire santé parmi 11 offres sélectionnes par l’État.
- Du 1er juillet 2013 : Revalorisation de 7% du plafond d’attribution de la CMU-C et de l’ACS
- Circulaire 2012-373 du 30 octobre 2012 relative à la publication du guide méthodologique sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice.
- Arrêté du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes.
- Loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’Hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
- Circulaire 2009-181 du 30 juin 2009 relative à l’acquisition de la CMU pour les bénéficiaires du RSA.
- Arrêté du 20 mars 2009 portant agrément d’une expérimentation d’actions médico-sociales en faveur de personnes en situation de précarité.
- Décret 2006-556 du 17 mai 2006, relatif aux conditions d’organisation et de fonctionnement des structures dénommées « Lits halte soins santé ».
- Loi 2005-1579 du 19 décembre 2005 relative au financement de la sécurité sociale pour 2006.
- Loi 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.
- Loi 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
- Loi 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 supprimant la condition de durée pour l’acquisition de la CMU.
- Loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.
- Décret 2001-576 du 3 juillet 2001 relatif aux conditions de fonctionnement et de financement des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale.
- Circulaire DIV/DGS du 13 juin 2000 relative à la mise en œuvre des Ateliers santé-ville.
De 1950 à 1999
- Loi 99-641 du 27 juillet 1999 relative à la Couverture maladie universelle.
- Loi 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.
- Loi 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France.
- Loi 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle.
- Loi 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière
- Loi 89-899 du 18 décembre 1989 relative à la protection et à la promotion de la santé de la famille et de l’enfance et adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé.
- Loi 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle.
- Décret 88-279 du 24 mars 1988 portant sur la gestion budgétaire et comptable et aux modalités de financement de certains établissements sociaux et médico-sociaux.
- Loi 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.
- Loi 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.
- Décret 76-526 du 15 juin 1976 portant application des articles 185 et 185-3 du Code de la famille et de l’aide sociale, étendant l’aide sociale à de nouvelles catégories de bénéficiaires et relatif aux centres d’hébergement et de réadaptation.
- Loi 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
- Loi 74-955 du 19 novembre 1974 étendant l’aide sociale à de nouvelles catégories de bénéficiaires et modifiant diverses dispositions du Code de la famille et de l’aide sociale du Code du travail.
- Ordonnance 67-828 du 23 septembre 1967 relative à l’assurance maladie-maternité et à l’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés des professions non-agricoles.
- Ordonnance 67-706 du 21 août 1967 relative à l’organisation administrative et financière de la Sécurité sociale.
- Loi 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés.
- Ordonnance 58-1373 du 30 décembre 1958 portant création de Centres hospitaliers et universitaires, réforme de l’enseignement médical et développement de la recherche médicale.
- Décret 53-1186 du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d’assistance.
Avant 1950
- Décret 46-2956 du 31 décembre 1946 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 22 mai 1946 en ce qui concerne l’immatriculation et les cotisations.
- Décret 46-1378 du 8 juin 1946 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’ordonnance du 6 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.
- Loi 46-1146 du 22 mai 1946 généralisant la sécurité sociale à l’ensemble de la population.
- Ordonnance 45-2720 du 2 novembre 1945 instaurant la Protection maternelle infantile.
- Ordonnance 45-2454 du 19 octobre 1945 relative au régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non-agricoles.
- Ordonnance 45-2407 du 18 octobre 1945 instituant la protection de la santé des enfants d’âge scolaire, des élèves et du personnel des établissements d’enseignement et d’éducation de tous ordres.
- Ordonnance 45-10 du 4 octobre 1945 instituant la Sécurité sociale.
- Décret 43-891 du 17 avril 1943 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices publics.
- Loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices publics.
- Loi du 14 juillet 1913 relative à l’assistance des familles nombreuses.
- Loi du 14 juillet 1905 sur les vieillards, les infirmes et les incurables.
- Loi du 15 juillet 1893 portant création de l’Assistance médicale gratuite.
- Loi du 7 août 1851d’assistance publique.
- Loi du 16 octobre 1796 confiant à la commune la gestion des hôpitaux.
Les chiffres clés
Généralités
- Part des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté :
- 7,9 millions
- (Charte pour le développement de l’aide alimentaire du 18 mars 2009)
- Part des personnes en extrême pauvreté :
- 1,8 million
- (Charte pour le développement de l’aide alimentaire du 18 mars 2009)
Taux de déclaration d'un mauvais état de santé
Taux de déclaration d’un mauvais état de santé par la population-cible habitant dans une Zones urbaines sensibles (ZUS) :
- Homme : 28 %
- Femme : 36 %
(Irdes Des indicateurs de santé moins favorables pour les habitants des Zones urbaines sensibles (ZUS), janvier 2007)
Proportion des habitants des Zones urbaines sensibles (ZUS) se déclarant en mauvaise santé en fonction du taux de chômage dans le quartier :
- 1er quartile (regroupant 25 % des quartiers où les taux de
- chômage sont les moins élevés) : 22 %
- 4e quartile (regroupant 25 % des quartiers où les taux de chômage sont les plus élevés) : 31,7 %
(Irdes « Contexte géographique et état de santé de la population : de l’effet ZUS aux effets de voisinage », février 2009, d’après Enquête décennale 2002-2003 Insee)
Probabilité pour les habitants de Zones urbaines sensibles (ZUS) de se déclarer en mauvaise santé, en fonction de leur couverture complémentaire :
- CMU-c : 5,3
- Sans couverture : -3,1
(Irdes Des indicateurs de santé moins favorables pour les habitants des Zones urbaines sensibles (ZUS), janvier 2007)
Taux de couverture par une complémentaire
Part de revenu que les ménages consacrent à la couverture complémentaire (taux d’effort) :
- De 0 à 799 € : 10,3 %
- De 800 à 1 099 € : 6,3 %
- De 1 100 à 1 399 € : 4,8 %
- De 1 400 à 1 866 € : 4 %
- 1 867 € et plus : 2,9 %
(Irdes La complémentaire santé en France en 2006 : un accès qui reste inégalitaire, mai 2008, d’après Enquête Santé Protection Sociale 2006)
Part de la population déclarant ne pas avoir de couverture maladie complémentaire :
- Environ 7 %
(Irdes La complémentaire santé en France en 2006 : un accès qui reste inégalitaire, mai 2008, d’après Enquête Santé Protection Sociale 2006).
Taux d’absence de couverture complémentaire par population-cible :
- Immigrés étrangers : 35 %
- Immigrés naturalisés : 20 %
- (Français nés en France : 7 %)
(Irdes Le recours aux soins de ville des immigrés en France, septembre 2009, d’après Enquête décennale 2002-2003 Insee)
Taux de la population-cible bénéficiant effectivement de l’ACS en 2006 :
- 10 % (203 000 personnes)
(Irdes Aide à l’acquisition d’une assurance maladie complémentaire : une première évaluation du dispositif ACS, avril 2007)
Taux de renoncement à des soins et de recours effectif
Part de la population déclarant avoir renoncé à des soins pour des raisons financières au cours des douze derniers mois :
- Environ 14,3 % (à 63 % pour des soins bucco-dentaires, à 25 % pour les lunettes et à 16 % pour des soins de spécialistes)
(Irdes La complémentaire santé en France en 2006 : un accès qui reste inégalitaire, mai 2008, d’après Enquête Santé Protection Sociale 2006)
Taux de renoncement aux soins selon le type de couverture complémentaire :
- Non-bénéficiaires Couverture complémentaire privée et/ou CMU-c : 32 %
- Bénéficiaires CMU-c : 19,1 %
- Bénéficiaires Couverture complémentaire privée (Hors CMU-c) : 12,6 %
(Irdes La complémentaire santé en France en 2006 : un accès qui reste inégalitaire, mai 2008, d’après Enquête Santé Protection Sociale 2006)
Probabilité de recourir à un médecin généraliste selon le type de couverture complémentaire, par rapport à un ration de référence égale à 1 (être un Français né en France)) :
- CMU complémentaire : 1,05
- Sans couverture : 0,48
(Irdes Le recours aux soins de ville des immigrés en France, septembre 2009, d’après Enquête décennale 2002-2003 Insee)
Probabilité de recourir à un médecin spécialiste selon le type de couverture complémentaire, par rapport à un ration de référence égale à 1 (être un Français né en France)) :
- CMU-c : 0,87
- Sans couverture : 0,61
(Irdes Le recours aux soins de ville des immigrés en France, septembre 2009, d’après Enquête décennale 2002-2003 Insee)
Taux de refus de soins
Taux de déclaration de refus par les médecins généralistes :
- À l’égard des bénéficiaires de la CMU : 10 %
- À l’égard des bénéficiaires de l’AME : 37 %
(Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du monde, Rapport 2008, octobre 2009, d’après une enquête de testing réalisée fin 2005 auprès de 725 médecins généralistes dans dix villes de France)
Taux de déclaration de refus par médecins ou un pharmaciens dans les 12 derniers mois :
- À l’égard des bénéficiaires de la CMU : 15 % (chiffre 2003) (Drees État de santé et recours aux soins des bénéficiaires de la CMU – Un impact qui se consolide entre2000 et 2003, mars 2004)
- À l’égard des bénéficiaires de l’AME : > 1/3
(Drees Les bénéficiaires de l’AME en contact avec le système de soins, juillet 2008)
Les modes de calcul de la pauvreté
Modes de calcul de l'Onpes et de l'Insee
Le taux de pauvreté monétaire habituellement mesuré est défini comme la proportion d’individus ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. L’Insee et l’Onpes ont adopté la norme européenne qui retient le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian.
L’Onpes retient également 10 autres indicateurs de pauvreté :
- Pauvreté en conditions de vie : nombre de privations auxquelles le ménage déclare être confronté, parmi un ensemble de vingt-sept pris comme référence, le seuil de pauvreté ici retenu est le cumul d’au moins huit privations,
- Intensité de la pauvreté : écart relatif entre le seuil de pauvreté et le revenu médian des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté,
- Taux de pauvreté de la population en emploi : part des individus en emploi vivant dans un ménage dont le revenu est inférieur à 60% de la médiane,
- Évolution annuelle du nombre d’allocataires de minima sociaux d’âge actif,
- Taux de persistance dans le RMI,
- « Indicateurs d’exclusion »,
- Taux de renoncement aux soins pour des raisons financières,
- Taux de sortants à faible niveau d’études,
- Taux de demandeurs d’emploi non indemnisés,
- Part des demandes de logement social non satisfaites après un an.
La mesure de la pauvreté monétaire est relative dans le sens où elle s’appuie sur un seuil entièrement dépendant de la distribution des niveaux de vie de l’année considérée. On peut s’intéresser à une notion semi-relative, la pauvreté avec un seuil ancré dans le temps : il s’agit de mesurer la part des individus vivant sous un seuil relatif défini une année donnée et qui resterait constant d’une année sur l’autre en termes réels.
Mode de calcul dans le rapport Suivi de l'objectif de baisse d'un tiers de la pauvreté en cinq ans présenté en 2009
Dans ce rapport intitulé Suivi de l’objectifs de baisse d’un tiers de la pauvreté en cinq ans, le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la Jeunesse présente un tableau de bord reprenant les indicateurs fixés par le décret 2009-554 du 20 mai 2009 relatif à la mesure de la pauvreté. Parmi les indicateurs figurent deux nouveaux :
- Écart entre la proportion d’adolescents ayant au moins deux dents cariées non soignées selon les catégories sociales,
- Part de personnes relogées parmi les personnes désignées prioritaires par les commissions de médiation droit au logement opposable et n’ayant pas refusé l’offre.
Le refus discriminant de certains professionnels de santé
Le refus de soins peut être illégitime, ce qui est notamment le cas lorsqu’il s’exprime à l’égard des plus démunis, au prétexte qu’ils seraient bénéficiaires d’une couverture médicale complémentaire du type Couverture maladie universelle (CMU) ou Aide médicale d’État (AME). On parle alors de refus discriminant.
1er rapport - Évaluation de la loi CMU
Depuis la loi la loi 99-641 du 27 juillet 1999 créant la CMU, nombre de rapports ont mis en évidence l’existence de ce type de refus de soins.
Le 1er rapport d’Évaluation de la Loi CMU réalisé par deux membres de l’IGAS, Yves Carcenac et Evelyne Liouville, en application de l’article 34 de la loi 99-641 du 27 juillet 1999, traite les principales questions que soulève l’application de la loi portant création de la CMU dans six chapitres distincts : la montée en charge des deux dispositifs institués par la loi (CMU de base et CMU complémentaire), le plafond de ressources et les effets de seuil qui en découlent, les procédures d’accès aux droits, l’impact des dispositifs sur l’accès aux soins des plus démunis, le financement de la CMU et l’AME. En guise de conclusion les auteurs du rapport présentent une synthèse des principales observations et formulent des recommandations.
2ème rapport - Évaluation de la loi CMU
Il convient de citer de la même façon le 2ème rapport d’Évaluation de la Loi CMU réalisé par le Fonds CMU en décembre 2003.
Ce rapport rappelle que « la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) est une forme de protection sociale qui vise à faciliter l’accès aux soins des plus démunis : elle permet de lever les obstacles administratifs et économiques à l’accès aux soins en couvrant le ticket modérateur des soins de ville et hospitaliers, le forfait hospitalier et les dépassements tarifaires pour les principaux produits, ainsi que pour les prothèses dentaires et les lunettes.
Ces dépenses sont en tiers payant et les professionnels de santé sont tenus de respecter les tarifs opposables.
Le panier de soins est donc complet, et assure la prise en charge de tous les soins nécessaires. Les dépenses correspondant à des exigences particulières des patients sont à leur charge. La CMU-c permet de mettre ses bénéficiaires dans le droit commun de l’assurance maladie ».
Pour ce qui s’agit du refus à proprement parlé, le rapport fait deux constats. Le premier est qu’en fait le refus est « limité au secteur dentaire et à un certain nombre de spécialités qui travaillent en tarifs libres », en dentaire les patients sont « souvent orientés sur les centres de santé », ce qui est « parfois vécu comme une humiliation pour les usagers ».
Le second constat est qu’« une autre difficulté en matière d’accès aux soins est la conséquence des problèmes techniques éprouvés par les professionnels pour se faire payer, notamment quand l’assuré n’a pas de carte Vitale à jour » surtout dans les pharmacies en télétransmission.
Les usagers se trouvent ainsi privés d’une dispense d’avance de frais en l’absence de carte vitale alors que cette dispense ne peut être refusée si le bénéficiaire de la CMU n’a qu’une attestation papier.
« Le terme de refus de soins semble d’ailleurs impropre, car il s’agit souvent plutôt d’incitation à s’adresser à un autre professionnel que d’un refus caractérisé ».
Pour autant, les cas de refus seraient à relativiser car rapportés aux 4,7 millions de bénéficiaires de la CMU-c qui peuvent être effectivement soignés ils semblent marginaux, le rapport ajoutant « es cas de refus catégoriques ou stigmatisants existent, mais on peut légitimement considérer qu’ils constituent des situations extrêmement rares ».
Par ordre d’importance décroissante, mais sans pouvoir donner de chiffres précis, les différentes situations peuvent être les suivantes :
- Cas général, le professionnel de santé soigne le bénéficiaire de la CMU.
- En second lieu : le professionnel de santé pratique les soins habituels de la sécurité sociale applicables aux assurés du régime général mais les dirige vers d’autres acteurs pour effectuer des actes trop encadrés par le dispositif CMU. C’est ainsi que des cliniques dentaires des caisses de sécurité sociale ou des centres dentaires mutualistes se trouvent sollicités par une clientèle supplémentaire, au titre de la prothèse ou de l’orthodontie.
- En troisième lieu, face à un refus du professionnel de santé, la caisse de sécurité sociale intervient à l’amiable par le biais du praticien conseil, ce qui a pour conséquence que les évènements rentrent dans l’ordre dans la très grande majorité des cas.
Le rapport souligne également que « la tarification de la CMU-c a provoqué et provoque, essentiellement chez les chirurgiens dentistes, une réaction de blocage comme le soulignent les réponses que nous ont adressées les deux principaux syndicats dentaires Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et Union des jeunes chirurgiens dentistes (UJCD).
Ceux-ci observent que le dispositif CMU conduit à des soins au rabais et donc à une médecine à deux vitesses qu’ils jugent inacceptable.
Ils notent que nombre de soins de nature prothétique ne sont pas prévus par le dispositif CMU et qu’ils ne peuvent donc les pratiquer alors qu’ils les considèrent comme des actes nécessaires ».
Après ces divers constats se pose la question des suites données, éventuellement judiciaires. Le rapport souligne que « sur plainte des patients, [les refus peuvent faire] l’objet d’enquêtes des Directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) qui sont susceptibles de déboucher sur une condamnation pénale. Les refus de soins peuvent également donner lieu à une saisine des conseils départementaux des ordres ».
Mais « le bénéficiaire de la CMU-c confronté à un refus ne fait que rarement jouer les mécanismes qui le protègent. Ce n’est que de façon exceptionnelle que celui-ci accepte de consigner par écrit ses récriminations ».
Sous forme de conclusion le rapport souligne que « globalement les professionnels de santé s’accordent pour reconnaître que la loi CMU est un progrès indéniable et qu’elle permet l’accès aux soins de personnes peu favorisées ou défavorisées ».
3ème rapport - Évaluation de la loi CMU Le rapport Chadelat
On peut également lire le rapport de Jean-François Chadelat sur « Les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU », publié en novembre 2006, qui rappelle entre autres choses le postulat que « les pauvres ne soient pas distingués des autres assurés sociaux » a pour conséquence directe que « le bénéficiaire de la CMU doit pouvoir avoir accès à toutes les formes de médecines, exactement comme les autres assurés sociaux. En aucun cas on ne doit le cantonner dans une médecine de pauvre : dispensaires, centres de santé, hôpitaux utilisés en premier recours ».
Il faut souligner le paradoxe qui existe aujourd’hui. Certains professionnels de santé sont conduits, de façon charitable, à soigner gratuitement les bénéficiaires de la CMU, notamment du fait des difficultés tenant aux procédures pour se faire payer, ou pour éviter de les refuser une énième fois.
Or, la CMU avait pour objectif de permettre aux plus démunis d’accéder au système de santé, sans que cela ne relève d’une quelconque charité de la part des professionnels de santé.
On peut également citer l’étude de la DREES sur « Les bénéficiaires de l’Aide médicale d’État en contact avec le système de soins », publiée en juillet 2008. Cette étude a donc la particularité de s’intéresser au cas des bénéficiaires de l’AME.
Plus d’un bénéficiaire de l’AME sur trois a expérimenté un refus de la part d’un professionnel de santé, le plus souvent un médecin ou un pharmacien. À titre de comparaison, les bénéficiaires de la CMU sont 15 % à déclarer être dans ce cas.
Ces refus de soins déclarés apparaissent cependant de nature différente puisqu’ils émanent essentiellement de médecins et pharmaciens, alors que les refus signalés par les bénéficiaires de la CMU proviennent majoritairement de dentistes et médecins spécialistes.
Sur la demande du Fonds CMU, l’IRDES a mené entre décembre 2008 et janvier 2009 une opération de testing auprès de 861 praticiens installés à Paris (médecins généralistes, dentistes, ophtalmologues, gynécologues et radiologues) afin de mesurer les discriminations dont sont victimes les bénéficiaires de la CMU-c. Les résultats obtenus ont servi de base de travail pour le 4e rapport d’évaluation de la loi CMU du Fonds CMU.
On y apprend que le total des refus renvoie à une réalité à laquelle sont confrontés les bénéficiaires de la CMU : des difficultés d’accès aux soins dans certaines spécialités médicales.
Pour le sous ensemble des refus discriminatoires, ils s’élèvent à 9,2 % chez les omnipraticiens de secteur 1, en cela bien supérieurs aux taux relevés dans d’autres départements (Val-de-Marne en 2005) semblant refléter ainsi une réalité parisienne. Le rapport souligne également que les refus parmi les dentistes s’élèvent à 36,1 %, soit plus du tiers des dentistes parisiens.
4ème rapport - Évaluation de la loi CMU
Le dernier rapport Évaluation de la Loi CMU du Fonds CMU a été rendu public en juillet 2009.
Ce rapport rappelle que pour comprendre la problématique du refus de soins, « il faut se reporter au fondement même de la loi du 27 juillet 1999 qui a créé la CMU. La logique en est simple : il s’agit de permettre à la fraction la plus pauvre de la population, 4,3 millions de personnes, d’accéder à l’ensemble du système de soins, exactement comme pour tous les autres assurés sociaux, et de ne pas les cantonner dans une médecine de pauvre.
Les bénéficiaires de la CMU doivent donc pouvoir bénéficier de la médecine libérale comme tout un chacun.
Le rapport met en avant que parmi les griefs opposés aux bénéficiaires de la CMU-c figurait celui du non-respect du parcours de soins.
Les bénéficiaires de la CMU-C étaient moins nombreux que les autres assurés à avoir déclaré leur médecin traitant, et même lorsqu’ils en avaient fait la démarche, ils étaient plus nombreux à consulter un médecin spécialiste sans passer au préalable par leur médecin traitant.
En argumentation aux refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-c, les médecins évoquaient un irrespect des règles : absence de prise de rendez-vous, absence de médecin traitant, carte vitale non mise à jour qui rendait ces patients ingérables.
À noter que le rapport soulève les idées reçues en bonne partie entachées d’inexactitudes dont celle que « les bénéficiaires de la CMU ne respectent pas le parcours de soins », en soulignant qu’« ils sont pourtant plus nombreux à avoir choisi un médecin traitant (86,5 % au 31 mars 2009) que les autres assurés sociaux (84,6 %).
Le rapport ajoute, en rappelant que depuis 2006 les tarifs de prothèses applicables aux bénéficiaires de la CMU complémentaire ont été revalorisés de 30 % - tendant à permettre un meilleur accueil des bénéficiaires de la CMU-C par les dentistes - cette revalorisation ne semble pas avoir fait reculer les refus des soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-c, qui restent toujours importants chez les dentistes ».
Pour ce qui s’agit des réclamations, le motif initial de la demande est pour moitié des refus de dispense d’avance des frais pour 35 % des refus de soins ou de poursuite des soins, mais aussi des refus de devis, des travaux effectués sans devis préalable ou des refus de vente d’un appareil et pour 9 % des saisines pour non respect des tarifs opposables (dépassements d’honoraires, actes hors nomenclature).
Les professionnels mis en cause sont pour plus de la moitié des médecins (essentiellement des spécialistes) mais aussi des dentistes (29 %) et d’autres professionnels de santé pour 13 %.
Le renoncement et les principaux obstacles entravant l'accès aux soins
Les obstacles sont dans les faits divers : refus de soins, refus de domiciliation, rejet de demande d’asile, confusion entre séjour pour raison médicale et immigration thérapeutique.
Il convient de citer les illustrations que sont les travaux de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du Monde.
Rapport annuel 2007 de Médecins du monde
Sur le sujet de l’accès aux soins on peut citer le rapport annuel de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du Monde, observatoire qui a été créé par la Mission France de Médecins du Monde en 2000 pour témoigner des difficultés d’accès aux soins des personnes en situation de précarité.
Ainsi, Médecins du Monde publie annuellement une photographie des plus démunis issue de l’analyse des consultations sociales et médicales prodiguées dans ses 21 Centre d’accueil, de soins et d’orientation (CASO). Ce tableau permet de pointer, outre les difficultés d’accès aux soins, les caractéristiques et les évolutions des populations les plus vulnérables en France.
Le rapport annuel de 2007, publié en octobre 2008, soulignait que 86 % des personnes qui se présentaient à Médecins du Monde n’avaient pas de couverture maladie.
C’est la raison pour laquelle Médecins du Monde continuaient de plaider pour une simplification du système en demandant une seule couverture maladie universelle pour toutes les personnes en dessous du seuil de pauvreté au lieu du double système Aide médicale d’État (AME) et Couverture maladie universelle (CMU).
Rapport annuel 2008 de Médecins du monde
Le dernier rapport en date est le rapport 2008 de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du Monde, publié en octobre 2009.
En préalable, le rapport souligne que peu d’enquêtes et d’études s’intéressent aux refus de soins auxquels se confrontent les bénéficiaires de l’AME, nous révélant que « la proportion d’étrangers disposant d’une couverture maladie progresse avec la durée de résidence en France, mais beaucoup restent en dehors du dispositif. Seuls 42 % des étrangers présents en France depuis au moins dix ans sont couverts lorsqu’ils sont vus à Médecins du Monde.
L’accès aux droits à la couverture maladie se fait de façon différenciée selon l’origine des patients. Les difficultés sont particulièrement accentuées pour les ressortissants de l’Union européenne, tout au moins en deçà de dix années passées en France ».
Ce rapport souligne une difficulté particulière éprouvée par les patients : « alors que l’analyse des données recueillies par l’observatoire met en évidence les besoins de suivi médical des patients, la complexité des dispositifs administratifs liés tant au droit au séjour qu’à la couverture médicale gêne leur accès aux soins ».
- Les patients sont toujours aussi nombreux en 2008 à fréquenter les Caso pour se faire soigner ou trouver des conseils pour accéder aux soins ;
- Environ 70 % des patients sont venus pour une consultation médicale ;
- Les autres patients (30 %) ont eu recours à Médecins du Monde pour rencontrer un travailleur social ou pour régler un problème administratif ;
- Les patients rencontrent de grandes difficultés sociales qui ont un impact sur leur état de santé et leur accès aux droits ;
- L’analyse des données montre à quel point le statut administratif des personnes pèse sur leur accès aux droits, et donc aux soins ;
- Seuls 21 % de ceux qui pourraient bénéficier d’une couverture maladie avaient des droits ouverts lors de leur première consultation à Médecins du Monde ;
- Les difficultés administratives deviennent en 2008 le premier obstacle mentionné par les personnes rencontrées dans l’accès aux droits et aux soins ;
- Les obstacles à l’accès aux soins cités par les patients sont étroitement liés à leur situation concernant la couverture maladie :
- Les personnes sans aucune couverture maladie sont davantage en butte à toute une série d’obstacles administratifs et juridiques ;
- Les patients disposant d’une couverture maladie partielle mentionnent en priorité la couverture complémentaire trop chère et la difficulté d’avance des frais (45.3 %) ;
- Les patients disposant d’une couverture complète sont 30 % à ne pas mentionner d’obstacles.
- Mais ils sont ensuite proportionnellement les plus nombreux à faire état de discriminations ou d’expériences négatives dans leur parcours de soins (13 % en 2008 vs 8.5 % en 2007).
- En 2008, le recours tardif aux soins, constaté dans 18 % des consultations délivrées (vs 11 % en 2007), est également un indicateur préoccupant ;
- En 2008, plus de 1 400 personnes ont été dépistées pour le VIH et les hépatites dans les deux Caso d’Ile-de-France (Paris et Saint-Denis) ;
- La couverture vaccinale des patients de Médecin du Monde peut être considérée comme relativement faible avec des taux variant de 24 à 41 % selon les vaccins ;
Rapport annuel 2008 de la DREES
Enfin, il convient de citer une étude de l’IRDES portant sur l’accès aux soins, et publiée en 2009 dans le rapport annuel 2008 de la DREES intitulé « L’état de santé de la population en France. Indicateurs associés à la loi relative à la politique de santé publique ».
Cette étude nous apprend qu’« en 2006, 10,4 % des personnes adultes de plus de 18 ans déclaraient avoir renoncé pour des raisons financières à des traitements dentaires (soins ou prothèses) ou à l’achat de lunettes (ou de lentilles) dans les 12 mois précédant l’enquête. Ce renoncement était plus fréquent chez les femmes (11,6 %) que chez les hommes (9,1 %).
Il était au maximum entre 30 et 59 ans, puis diminuait avec l’âge ». De plus, « le taux de renoncement aux soins dentaires ou optiques diminue à mesure que le revenu augmente.
Il est plus important chez les personnes vivant dans des ménages d’employés et d’ouvriers, chez les chômeurs ou encore chez les personnes qui ne disposent pas d’une couverture complémentaire maladie ».
Stratégie de recours à la médecine
Enfin, il convient de citer le nouveau rapport annuel du réseau santé du Mouvement ATD Quart monde, intitulé Stratégies de recours à la médecine de proximité dans les populations démunies. Ce rapport, établi à partir des personnes et des professionnels, apporte un éclairage sur l’indicateur renoncement aux soins et sur les raisons de refus de la CMU-c.
Le non recours aux soins et l'information des usagers
Sur le sujet du défaut d’information qui peut conduire l’usager, surtout s’il est en situation de précarité, à renoncer aux soins, il convient de citer les travaux de la Conférence nationale de santé (CNS) qui, depuis 2008, élabore des rapports annuels sur le respect des droits des usagers du système de santé, s’appuyant notamment sur les rapports des Conférences régionales de santé.
1er rapport - CNS sur les droits des usagers et la démocratie sanitaire
La Conférence nationale de santé a rendu public le 28 novembre 2008 son premier rapport sur le respect des droits des usagers du système de santé, intitulé « Promouvoir et faire respecter les droits des usagers du système de santé. Neuf propositions de la Conférence nationale de santé ».
Pour réaliser ce rapport, la Conférence a mis en place en son sein une commission spécialisée, comprenant des représentants des différents collèges (usagers, professionnels de santé, élus et assurance maladie, conférences régionales de santé, acteurs économiques).
Cette commission, présidée par Thierry Daël, représentant de la conférence régionale de santé de Bretagne, a débuté ses travaux en janvier 2008, puis a noué un partenariat avec l’Institut Droit et Santé de l’Université Paris Descartes, qui a contribué à certaines propositions du rapport, et a présenté son rapport à l’assemblée plénière de la Conférence nationale de santé
le 13 octobre 2008.
Quelques recommandations faites par la CNS dans son premier rapport
En distinguant les domaines des droits individuels, des droits collectifs et de la promotion des droits, la Conférence nationale de santé avait pu faire quelques recommandations qui pouvaient bénéficier plus spécifiquement aux personnes en situation de précarités :
- Promouvoir un meilleur accès à la santé des personnes les plus vulnérables, et ainsi recommander de :
- Développer les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) vers l’ensemble des populations fragilisées ;
- Adapter les moyens attribués aux PASS en fonction des évolutions des besoins auxquelles elles sont confrontées ;
- Sensibiliser, informer et former l’ensemble des soignants aux enjeux de santé publique contenus dans les inégalités de santé.
- Améliorer la connaissance des droits, et ainsi souligner qu’à cette fin :
- Les établissements doivent s’assurer que ces outils de connaissance des droits sont compris par les usagers notamment s’agissant des mineurs, de personnes d’origine étrangère et de personnes en situation de handicap.
2ème rapport - CNS sur les droits des usagers
La Conférence nationale de santé a adopté, lors de sa séance plénière du 11 juin 2009, son deuxième rapport annuel sur le respect des droits des usagers du système de santé, intitulé « Parachever la démocratie sanitaire et rendre effectifs les droits des usagers du système de santé ».
Les recommandations faites à cette occasion visent à rendre effectifs les droits des usagers, ou simplement les réaffirmer. La Conférence nationale de santé soulève un certain nombre de difficultés qui sont, on peut l’imaginer, encore plus pénalisantes pour les personnes en situation de précarité, à commencer par le manque d’information, la méconnaissance des droits ou encore les obstacles aux voies de recours.
Quelques recommandations faites par la CNS dans son deuxième rapport
La Conférence nationale de santé recommandait, pour parachever la démocratie sanitaire et rendre effectifs les droits des usagers de, principalement :
- Parachever la démocratie sanitaire par le développement des procédures contradictoires ;
- Résoudre le défi du droit à l’information, soulignant que « les difficultés d’accès à l’information ont une responsabilité particulière dans la formation des inégalités de santé. En ce sens, traiter la question de l’asymétrie d’information entre les usagers du système de santé et les institutions et professionnels de santé, à l’occasion de la prochaine révision de la loi relative à la politique de santé publique, serait judicieux ».
- Rendre les droits lisibles et visibles ;
- Former aux droits :
- Les personnels administratifs ;
- Les personnels soignants ;
- Les représentants des usagers.
- Promouvoir les droits, soulignant que « de nombreuses conférences régionales de santé font le constat que les droits des usagers sont méconnus par les bénéficiaires eux-mêmes. Elles réclament qu’une véritable campagne d’information publique soit initiée à l’attention des citoyens afin de les informer de l’existence de ces droits et de les amener à les faire valoir, le cas échéant ».
- Se donner les moyens de suivre le respect des droits ;
- Soutenir financièrement la défense des droits et l’exercice de la démocratie sanitaire.
Historique de la prise en charge des troubles mentaux
Avant la Révolution française
Cette époque est marquée par l’absence de prise en charge spécifique du fou. Il est placé à l’hôpital avec le malade, enfermé et mis à l’écart.
Avant la Révolution française, notamment au Moyen âge, beaucoup de vagabonds arpentaient les rues, notamment à Paris. Leur surveillance était un souci pour les autorités de l’époque.
Certains d’entre eux étaient fous puisqu’à cette époque le fou était marginalisé et exclu, jeté à la rue avec les mendiants et les auteurs de délits ou de crimes mutilés.
Cependant il faut faire une distinction. Une partie des fous présents à Paris y étaient venus pour se faire soigner. L’autre partie était celle des fous forcés de s’y faire hospitaliser après avoir été donc attrapés dans la rue ou après qu’une demande ait émané de la famille, du voisin, de l’employeur. À noter également qu’une très grande part des déments hospitalisés est domiciliée à Paris.
On peut se demander comment se manifestait déjà à cette époque la prise en charge des malades mentaux, en sachant que c’est une époque où la tendance était à l’enfermement des errants et des déments.
Première précision, il n’y avait pas avant la Révolution de spécialiste de la psychiatrie, encore moins d’établissement dédié à la prise en charge psychiatrique ou réservé aux fous.
En conséquence, il n’y avait pas de soin médical spécifique pour les fous, quelques uns d’entre eux étaient placés dans les prisons royales, les autres étaient placés à hôpital (ils y trouvaient asile contre le paiement d’une pension), dans des maisons religieuses pour les plus aisés, dans des maisons de santé privées, ou encore pour les plus pauvres à l’Hôtel-Dieu, ou l’Hôpital-Général.
Il convient de noter que l’Hôpital-Général a été fondé pour les « Pauvres mendiants valides et invalides », mais rapidement des locaux sont réservés aux mendiants pris de folie – devant être isolés des autres pensionnaires - et aux aliénés séquestrés (cf. la procédure de séquestration).
Avant la Révolution on parle d’hospitalisation. Il s’agissait en fait d’un internement, au sens le plus grave du terme, contre le gré du fou.
Aujourd’hui on parlerait d’internement. Ils existaient plusieurs procédures d’hospitalisation, notamment celle qui relevait du pouvoir du Lieutenant général de police et qui consistait, après examen et avis de l’un de ses commissaires, à prendre une ordonnance d’admission des fous sans en référer à son ministre, ni à la justice, ni même au roi.
Sorte de placement forcé dans un lieu d’internement qui ne connaissait pas de recours judiciaire, par opposition aux autres procédures d’hospitalisation qui étaient elles judiciaires.
Dernière précision, si aujourd’hui les causes d’hospitalisation - dans son sens actuel - sont ciblées, à l’époque c’était moins le cas, les raisons de l’hospitalisation étaient singulièrement diverses, aussi bien pour injure ou menace que pour blasphème, ou encore état d’ivresse avancée sur la voie publique.
La Révolution française et les origines de la médecine aliéniste
Le fou devient un malade. Les travaux de Philippe Pinel (1791) et de Jean-Etienne Dominique Esquirol (1805) sont particulièrement marquants.
La médecine aliéniste se constitue comme une médecine spéciale qui fait de la maladie mentale son domaine propre tant au plan institutionnel que scientifique.
Philippe Pinel
Psychiatre français, né à Jonquières en 1745, mort à Paris en 1826. Il est nommé médecin à Toulouse à vingt-huit ans.
En 1778, il part pour Paris pour y faire carrière mais doit se contenter d’expédients et donne des leçons de mathématiques pour vivre. Très discret et modeste, il a du mal à trouver un poste.
Enfin, il est engagé dans la fameuse clinique du docteur Belhomme qu’il quittera avant que le scandale de cette clinique n’éclate : en effet, Belhomme y accueillait des antirévolutionnaires pourchassés par la police.
En 1793, il est nommé à Bicêtre, dont il est le premier médecin titulaire. Il n’y reste qu’environ un an et demi, mais, avec l’infirmier Jean-Baptiste Pussin, il a le temps de « libérer » les aliénés hommes.
Cette affaire, pour laquelle il a du demander l’autorisation à la Commune de Paris, a forgé sa réputation.
L’abolition des chaines est désormais un des mythes fondateurs de la psychiatrie française. Dans le contexte libéral modéré suivant thermidor an II, il est nommé à la Salpêtrière en 1795, où Jean-Baptiste Pussin le rejoint.
Il continue d’améliorer les conditions de vie des malades et de séparer les malades mentaux des autres. Il développe ce qu’il appelle le traitement moral, aussi important à ses yeux que les prescriptions médicamenteuses : « C’est une très petite partie de la médecine que la prescription des médicaments ».
On peut considérer qu’il fait de la folie (l’aliénation) une maladie ou un ensemble de maladies parmi les autres, et de l’aliéné un malade, c’est-a-dire une personne provisoirement atteinte par une maladie. Selon l’heureuse expression de Jacques Postel, s’il a été mythifié, il a démystifié la maladie mentale.
Jean-Baptiste Pussin
Soignant français, né en 1745 à Lons-le-Saulnier, mort à Paris en 1811. Il entre comme malade à l’hospice de Bicêtre.
Guéri, il y reste comme employé et, en 1793, il accueille Philippe Pinel, alors qu’il est responsable de réorganisation de la vie et des soins.
Philippe Pinel, au courant du mouvement européen en faveur des aliénés, soutient Jean-Baptiste Pussin dans ses efforts d’ouverture.
Dès qu’il est à la Salpêtrière, il cherche à l’y faire venir et se réfère souvent à lui dans ses écrits pour réaliser avec les malades femmes ce qu’ils avaient réussi ensemble avec les hommes à Bicêtre.
En 1801, Jean-Baptiste Pussin est chargé d’un rapport visant à reformer l’ensemble de l’assistance aux aliénés. Mort en 1811, il est remplacé dans ses fonctions à la Salpêtrière par un médecin : Etienne Esquirol.
Jean-Etienne D. Esquirol
Psychiatre français né à Toulouse en 1772, mort à Paris en 1840. Il est considéré comme l’un des pères de la psychiatrie française.
Élevé de Philippe Pinel, il a inspiré les lois fondatrices de 1838. Devenu médecin-chef de la Maison royale de Charenton, il enseigne et forme la majorité des aliénistes de son temps.
Parallèlement au travail administratif et juridique, il écrit un traité des maladies mentales. Il différencie l’insuffisance du développement mental de l’affaiblissement psychique (démence). Il isole les monomanies intellectuelles, affectives, instinctives.
On parle à l’époque de traitement moral. Il ne faut pas pour autant oublier les idéaux révolutionnaires : individualisme et liberté. Ceux-ci n’ont pas été sans conséquence, à commencer par la libération de tous ceux enfermés suite à une lettre de cachet en application d’une circulaire de l’intérieur datant de 1804 et énonçant que les aliénés ne peuvent être détenus que sur décision de justice ou sur demande de leur famille.
Dès 1810, le criminel et l’aliéné ne sont plus confondus, le Code pénal énonçant dans son article 64 qu’il n’y a pas infraction s’il y a démence au moment des faits.
Pour conclure sur cette époque, certes le fou voit ses chaînes brisées, il est d’une certaine façon libéré de l’asile, on prend conscience de son trouble, pour autant il n’est pas encore soigné, simplement laissé à son sort.
Le XIXe siècle, la loi de 1838 et l'aliéniste
La psychiatrie devient une discipline médicale à part entière, permettant au malade mental d’être dorénavant pris en charge par un vrai spécialiste, son traitement s’appuyant sur la psychanalyse et l’inconscience du sujet.
Le 30 juin 1838, une loi sur les aliénés est promulguée, son article premier énonce « chaque département est tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter, à cet effet, avec un établissement public ou privé, soit de ce département, soit d’un autre département » (Al. 1er).
Son article 5 énonce dans la même idée : « les établissements privés consacrés au traitement d’autres maladies ne pourront recevoir les personnes atteintes d’aliénation mentale, à moins qu’elles ne soient placées dans un local entièrement » (Al. 2).
On peut également y lire que les chefs de ces établissements d’aliénés, des asiles, ne peuvent recevoir une personne atteinte d’aliénation mentale que s’il leur est remis une demande d’admission, un certificat de médecin constatant l’état mental de la personne à placer, et indiquant les particularités de sa maladie et la nécessité de faire traiter la personne désignée dans un établissement d’aliénés, et de l’y tenir renfermée (Art. 8).
On peut d’ores et déjà noter que l’article 13 évoquait un certain rétablissement du malade mental puisqu’il énonçait « toute personne placée dans un établissement d’aliénés cessera d’y être retenue aussitôt que les médecins de l’établissement auront déclaré, sur le registre énoncé en l’article précédent, que la guérison est obtenue ».
Pour résumer, cette loi, inspirée par Jean-Etienne Esquirol, obligeait chaque département à faire construire son asile et définissait les modalités d’internement. Il faut noter que les médecins pouvaient dès lors priver les aliénés de liberté (prérogatives qui ne relèvent plus du pouvoir judiciaire). « L’aliéniste dans son asile apparaît donc comme un personnage qui cumule des fonctions d’administrateur, de juge, d’expert, de thérapeute et de savant ».
Dès la fin du XIXe siècle la psychiatrie prend donc une autre dimension, nombre de théories pour décrire la maladie mentale sont formulées, sur la paranoïa, la démence, la dégénérescence, la névrose, l’hystérie.
Dès 1860, on met en place la clinique de la schizophrénie. En effet, c’est l’époque du développement de la psychanalyse. La psychiatrie devient une spécialité médicale et des moyens lui sont donnés, permettant d’envisager les pathologies auxquelles elle se rapporte sous l’angle de la thérapie.
Les initiateurs de ce mouvement sont Jean-Martin Charcot et Sigmund Freud. Le premier était adepte de l’hypnose pour soigner les crises de démence. Le second s’appuiera sur les travaux du premier pour ses propres travaux sur l’hystérie, l’hypnose et le concept de psychogénèse.
Rappelons pour finir que Sigmund Freud donnait une place très importante à l’inconscient ainsi qu’« aux événements traumatiques appartenant à l’histoire précoce du patient ».
Jean-Martin Charcot
Neurologue français, né et mort à Paris (1825-1893).
Sa carrière médicale est brillante : dès 1848, il est nominé interne des hôpitaux puis, dix ans plus tard, médecin des hôpitaux. Il est agrégé de médecine en 1860 et professeur d’anatomopathologie en 1872, année au cours de laquelle la chaire de clinique des maladies nerveuses, à l’hôpital parisien de la Salpêtrière, est créée pour lui.
En 1870, il prend la direction d’un service fait de deux pavillons, l’un de malades dits épileptiques, l’autre de malades hystériques. Il réalise de nombreux travaux sur l’hypnotisme, la catalepsie et le somnambulisme. Mais, surtout, il isole le syndrome hystérique qu’il distingue, tout en critiquant le terme, de ce qu’il appelle l’hystéro-épilepsie.
Il cherche constamment à faire le lien entre des affections psychiatriques et des atteintes neurologiques. Il montre l’importance de la suggestion et de l’autosuggestion chez les malades hystériques. Peu avant sa mort brutale, il parle de la foi qui guérit.
Cependant, il recherche sans cesse les signes d’une « hérédité morbide » chez tous les malades mentaux.
Grand enseignant et grand clinicien, il est un modèle et un inspirateur import de la psychiatrie française, incarnant en quelque sorte la tension entre les approches neurologiques et localisatrices, et les approches psychologiques et psychodynamiques.
Rappelons que Sigmund Freud fit un stage dans son service et s’inspira de ses recherches sur l’hystérie pour élaborer la psychanalyse.
Sigmund Freud
Médecin et psychanalyste autrichien, né à Pribor en 1856, mort à Londres en 1939.
Il est le découvreur de l’inconscient et le fondateur de la théorie psychanalytique.
Apres un début de carrière comme chercheur et neuropsychiatre (travaux sur l’aphasie et sur la cocaïne en particulier), il fait un stage à Paris, dans le service de Jean-Martin Charcot, puis il va à Nancy pour rencontrer Hippolyte Bernheim.
Il écrit, avec Joseph Breuer, un livre sur l’hystérie dans lequel il rompt avec l’organicisme ambiant et propose une forme de traitement par la parole (talking cure, selon l’expression employée par l’une de ses patientes).
Il montre alors l’importance de la sexualité, particulièrement infantile, dans le développement et les dysfonctionnements du psychisme humain. En 1900, L’interprétation des rêves marque le changement de registre : Freud présuppose un appareil virtuel, un appareil à penser, l’inconscient, qui produit rêves et pensées, lesquels accèdent à la conscience à travers divers filtres plus ou moins déformants.
Au-delà du contenu manifeste du rêve, comme du discours, il convient d’en déchiffrer le sens inconscient qui est, en fait, le sens moteur.
Le XXe siècle et le traitement des troubles mentaux
Plus qu’un intérêt porté à la psychiatrie, au XXe siècle il y a une volonté de soigner les malades mentaux.
Dans les années 1930, jusqu’aux années 1950, la prise en charge des troubles mentaux se fait au moyen de chocs, d’abord insuliniques, puis au Cardiazol®, puis électriques.
Dans les années 1950 on a davantage recours aux chimiothérapies diverses, alors que les années 1960 voient se développer le recours aux tranquillisants, aux neuroleptiques, aux antidépresseurs ou encore aux hypnotiques.
En à peine cent ans, nous sommes passés d’une prise en charge par la simple isolation du patient, son enfermement, à un accompagnement médicamenteux des personnes placées en asile psychiatrique.
Cependant, entre temps, la seconde guerre mondiale éclate, les asiles manquent de moyens et la psychiatrie s’ouvre aux sciences humaines.
C’est l’occasion pour nombre de médecins de repenser l’utilité de ces institutions que sont les hôpitaux psychiatriques et de prôner la désinstitutionnalisation qui tend à réduire le rôle de l’ hospitalisation.
À titre d’exemple Lucien Bonnaffé dénonce l’internement comme une conduite primitive, Georges Daumezon est favorable à la psychothérapie institutionnelle selon laquelle la thérapie doit reposer sur un collectif dans le cadre d’un lieu de parole, avec l’idée de replacer le patient dans un réseau relationnel.
D’autres dénoncent les « asiles » comme des structures aliénantes pouvant aboutir à une structure avec un fonctionnement comparable à celui du milieu carcérale.
Lucien Bonnaffé
Psychiatre français né à Figeac en 1912, mort à Ville-du-Bois (Essonne) en 2003.
À la fois psychiatre et penseur, proche des surréalistes puis membre du Parti communiste français en 1935, grand résistant, il est médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban où il participe à la création de ce qui deviendra ultérieurement la psychothérapie institutionnelle.
Il prend une place importante dans le mouvement de désaliénation au sein du service public de psychiatrie auquel il restera toujours attache.
Toutes les révolutions, toutes les évolutions de la psychiatrie depuis la guerre n’auraient pu se faire sans son action déterminée à travers ses écrits, son action politique (il fut conseiller ministériel) et son enseignement.
Georges Daumezon
Psychiatre français né à Narbonne en 1912, mort en 1979. Après une licence en droit, il fait, en 1935, une thèse remarquée qui se penche sur le travail des infirmiers en psychiatrie.
Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, il pousse à réformer les pratiques psychiatriques hospitalières en multipliant les activités laborieuses et sociales (ergothérapie et sociothérapie) et contribue à lancer la psychothérapie institutionnelle.
Dans le même temps, il lutte sans arrêt pour une amélioration des conditions de vie hospitalière pour les malades et des conditions de travail pour le personnel.
Derrière tout cela, l’idée commune est de « casser » les murs des hôpitaux psychiatriques, qu’ils reprennent une dimension humaine.
Le 15 mars 1960, sous l’impulsion du « Groupe de Sèvres » (composé entre autres de Lucien Bonnaffé, Georges Daumezon, Louis Le Guillant, Jean Oury, François Tosquelles), une circulaire ministérielle relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales, non parue au journal officiel, consacre le concept inventé par le groupe : le secteur de psychiatrie adulte. Une seconde circulaire précisera peu de temps après que les pavillons de psychiatrie ne doivent pas dépasser vingt cinq lits.
En 1964, à l’occasion du Congrès de Marseille des neurologues de langue française, Lucien Bonnaffé, Louis Le Guillant et Hubert Mignot rédigent un rapport intitulé Chronicité et sédimentation qui fait la distinction entre chronicité et sédimentation, plutôt favorable à la thérapie par les relations plutôt que par le placement en institution.
Le concept de secteur se place dans la continuité de celui de la psychothérapie institutionnelle. En effet, il s’agissait de déplacer les soignants spécialisés vers des lieux de soins plus proches du patient afin d’éviter la chronicisation ou sa désocialisation asilaire.
Plus concrètement, il s’agissait de rattacher aux services hospitaliers psychiatriques des lieux d’intervention de proximité dans lesquels existeraient des centres médico-psychologiques pour réaliser des consultations.
Chaque secteur aurait été confié à une équipe médicale (composée d’un médecin chef, de psychiatres, d’internes, de psychologues, d’infirmiers psychiatriques), en charge de toutes les pathologies psychiatriques présentes dans sa zone géographique, et en charge de mettre en place des structures de prise en charge (prise en charge à temps complet, de jour, de nuit,…).
Cette prise en charge de proximité devait assurer une égalité de traitement des patients quelque soit leur lieu de résidence, ainsi que le suivi du patient dans l’hospitalier comme dans l’extra-hospitalier.
Si on a parlé de sectorisation avec la loi 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière, ce n’est qu’avec la loi 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses mesures d’ordre social que la sectorisation psychiatrique est apparue.
En effet, cette loi créait dans son article 8 les secteurs de la psychiatrie générale, de la psychiatrie infanto-juvénile et de la psychiatrie en milieu pénitentiaire (Le décret 86-602 du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre les maladies mentales et à l’organisation de la sectorisation psychiatrique prévoyait des modalités d’application).
Une autre loi 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique énonçait dans son premier article « il est institué, dans les conditions prévues à l’article 44 de la présente loi, une carte sanitaire de la France déterminant des régions et des secteurs sanitaires ainsi que des secteurs psychiatriques ».
Dans une circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de santé mentale il est écrit sous le titre I que « la lutte contre les maladies mentales, si on considère les seules personnes s’adressant aux systèmes de soins et d’aide pour une intervention sur un problème de santé mentale, est à l’évidence une priorité de santé publique », et se concluant ainsi : « la circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales amorçait la mutation de la psychiatrie publique. Il faut à présent achever d’accomplir cette mutation et promouvoir un niveau supérieur d’organisation de la psychiatrie pour l’adapter au besoin d’insertion dans la communauté sans quitter la base géographique nécessaire à une couverture territoriale complète ».
Dernier grand texte de référence, la loi 90-527 du 27 juin 1990, relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, a créé trois modes d’hospitalisation dans chaque secteur : l’hospitalisation libre, l’hospitalisation à la demande d’un tiers et l’hospitalisation d’office. Mais l’inégalité territoriale quant à la répartition des psychiatres et des infirmiers psychiatriques met quelque peu à mal cette organisation.
Enfin, ici aussi il faut noter qu’une forme de rétablissement était envisagée dans l’article premier qui prévoyait d’insérer dans le code de la santé publique « la lutte contre les maladies mentales comporte des actions de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale ».
Dans une étude d’août 2009 intitulée « Cinquante ans de sectorisation psychiatrique en France : des inégalités persistantes de moyens et d’organisation », l’IRDES souligne que « cinquante ans après l’introduction en France de la politique de sectorisation [influencée par le mouvement de désinstitutionnalisation prônée et soutenue par l’Organisation mondiale de la santé Europe depuis le début des années 1970] en matière de lutte contre les maladies mentales, les secteurs psychiatriques, unités de base de la délivrance de soins en psychiatrie publique, se caractérisent par d’importantes disparités ».
On peut également lire que « la politique de désinstitutionnalisation en France a cependant été très spécifique. Contrairement à d’autres pays, la politique de secteur ne s’est pas prononcée contre l’hospitalisation à temps plein en psychiatrie mais pour son dépassement cette position a abouti à l’absence de fermeture d’hôpitaux psychiatriques, contrairement à nos voisins européens ».
Cependant les disparités de moyens et d’engagement dans les objectifs « contribuent à faire de la sectorisation française une politique de santé en partie inachevée ».
De l'intégration du sans-abri psychologiquement troublé à son rétablissement - 2009
Le rétablissement est l’étape qui suit l’accompagnement du sans-abri lorsque celui-ci est touché par des troubles mentaux. Il s’agit de donner les moyens aux sans-abri de se resocialiser, de se rétablir au sein de la société, et de pouvoir vivre en société malgré leurs troubles psychiques ou psychiatriques s’ils en ont.
Illustration pratique d'un processus de désocialisation : la clochardisation
Être sans domicile est une marque de précarité. On remarque que cette précarité est encore un peu plus sévère dès lors que la personne sans domicile a des troubles psychiques.
Pour certains, une personne sans-abri sur trois a des troubles psychiques, pour d’autres, c’est quatre sur cinq.
Au-delà de ces estimations, ce sont les causes du sans-abrisme qui sont discutées, et notamment dès 1957 avec les travaux d’Alexandre Vexliard. Selon la tendance actuelle, les solutions sont essentiellement, outre les dispositifs d’hébergement et de soins d’urgence, l’accompagnement et les aides au rétablissement.
Dès 1957, Alexandre Vexliard a tenté d’expliquer le processus de clochardisation. Ses nombreux travaux sont particulièrement éclairants sur la précarité qui touche le sans-abri et sur les évolutions de son comportement psychologique.
La population des personnes SDF a beaucoup évolué, il ne s’agit plus seulement de grands exclus. Pour beaucoup de travailleurs sociaux, cette population est hétérogène. On comprend dès lors que l’aide ne peut être uniforme.
En effet, on distingue généralement les précaires (ayant des minima sociaux, squatters), les marginaux (les errants, les psychotiques désocialisés, les ravers), les exclus (les personnes très désocialisées, les clochards, les personnes depuis longtemps à la rue) et les demandeurs d’asile.
Pour revenir aux origines de la détermination du sans-abri il faut citer Alexandre Vexliard qui a en 1957, dans Le Clochard. Étude de psychologie sociale, décrit le processus de désocialisation.
Le processus de désocialisation se produirait selon quatre phases successives : Phase agression (après un choc), Phase régressive (familiarisation avec sa nouvelle condition de vie).
Phase fixation (socialisation avec les autres clochards, c’est la phase la plus longue et la plus critique dans laquelle peut intervenir la décision du suicide) et Phase abandon (clochardisation par résignation, la situation est acceptée).
On comprend qu’au stade ultime de la désocialisation le clochard vit son indépendance de tout comme la liberté, voulant qu’on le laisse tranquille afin de rester libre.
Il s’agit d’un « narcissisme inversé où l’exclusion est vécue comme un choix » (X. Emmanuelli).
Dès lors, sa resocialisation a pour principaux obstacles l’effort psychologique qu’elle nécessite et l’habitude prise par le clochard de se contenter de peu.
À noter que Alexandre Vexliard distinguait des typologies de désocialisation, selon son origine, à savoir une pression sociale (problèmes professionnels, difficultés économiques, maladies somatiques, décisions personnelles, décision de justice), une marginalisation (voulue ou subie), ou encore une démence (schizophrénie, troubles mentaux, défaillances psychiques ou psychologiques).
On comprend alors que « l’exclusion, grâce au travail d’Alexandre Vexliard est sortie de l’ignorance et se présente comme le symptôme caractéristique d’un état de désocialisation qui sépare l’individu de son groupe, l’homme de l’institution, quand bien même celle-ci aurait été aménagée pour faciliter des entrées plus faciles ».
Réflexions académiques sur la souffrance psychique des grands exclus sociaux
Il faut également rappeler que nombreux sont les sans-abri, les sans-domicile, touchés par un trouble psychique.
Il semblerait que ce type de troubles soit un facteur d’exclusion pour celui ou celle qui en souffre, et un facteur de maintien dans l’exclusion et la marginalité.
Rappelons que le 18 mai 1995 Xavier Emmanuelli avait été nommé secrétaire d’État auprès du Premier ministre Alain Juppé et chargé de l’Action humanitaire d’urgence.
À sa demande, s’était réuni un Groupe de travail Psychiatrie et grande Exclusion sous la direction initiale de Cyril Roger-Lacan et Catherine Patris, afin de faire des propositions pour améliorer la prise en charge par les équipes de secteur psychiatrique, des personnes en situation de grande précarité souffrant de troubles psychiatriques.
Ces propositions avaient été réunies dans le rapport intitulé Psychiatrie et grande exclusion, publié en juin 1996. Ce rapport proposait, notamment, une amélioration de la prise en charge hospitalière et en Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), par la mise en place de réseaux institutionnels.
Il convient de citer également les travaux du groupe de travail mis en place par le secrétaire d’État Dominique Versini, et présidé par le Professeur Philippe Parquet, travaux qui ont donné lieu en 2003 à un rapport, dit rapport Parquet, intitulé Souffrance psychique et exclusion sociale.
Les avant-propos du secrétaire d’Etat sont sans équivoque : « Nul ne peut ignorer aujourd’hui l’émergence d’une souffrance psychique invalidante qui touche les personnes en situation de précarité et parallèlement une précarisation croissante des malades mentaux ».
L'accompagnement du sans-abri pour favoriser son intégration dans la collectivité
Outre-Atlantique existe un projet de recherche et de démonstration en santé mentale et itinérance appelé Projet Chez Soi - Montréal. Il vise à « mettre fin à l’itinérance et à favoriser l’intégration dans la collectivité » et repose sur les programmes Housing First et Streets to Homes, tous deux en expérimentation actuellement au Canada, précisément à Montréal pour le premier, à Toronto pour le second.
En France, le psychiatre Vincent Girard a reçu mission de la part du ministre de la santé et des sports Roselyne Bachelot-Narquin d’« élaborer des propositions afin de faire évoluer [les] dispositifs sanitaires destinés aux personnes en très grande précarité ».
En fonction des spécificités du public des sans domicile fixe il s’agira d’identifier les difficultés et les freins existant dans les dispositifs actuels pour un accès aux soins de ce public, d’identifier les leviers d’action susceptibles de rendre plus opérationnelle la prise en charge de ces publics en grande précarité.
Tant dans le champ du soin somatique que du soin psychique, de proposer des solutions novatrices à partir d’expériences locales, nationales et internationales et préciser les conditions de leurs réalisations
Enfin de proposer des méthodes d’évaluation de ces expérimentations et plus globalement des politiques de santé publique en direction des personnes sans-abri afin de pouvoir les améliorer ou les adapter.
Le rétablissement ou recovery
Ce concept a fait l’objet d’un colloque au ministère de la santé et des sports le 1er octobre 2009 sous l’intitulé « Le rétablissement : un outil pour la santé des personnes sans chez soi ? ». Ce colloque, organisé par le psychiatre Vincent Girard, a été l’occasion de réflexions et d’échanges.
« Rétablissement est la traduction la plus proche du terme recovery. Ce concept est né dans le champ de la santé mentale au Québec et en Amérique du Nord.
Sa promotion fut d’abord le fait des personnes atteintes de maladie mentale et leurs familles à travers le mouvement des associations d’usagers pour défendre leurs droits et lutter contre la stigmatisation.
Dans un second temps, ce concept a été repris par les chercheurs et les professionnels. Une alliance s’est créée autour d’objectifs communs : développer ses compétences à avoir une vie satisfaisante, être un citoyen comme les autres même si des symptômes et/ou un handicap persistent.
Des critères de rétablissement ont été proposés, comme l’intégration dans la communauté, la capacité à se gérer soi-même, à développer des activités sociales, à se redéfinir et à reconstruire un sens de soi.
Aujourd’hui, le rétablissement propose une façon nouvelle de penser le soin. Il existe des soins orientés autour du rétablissement et des politiques nationales de santé construites à partir de ce paradigme. Les personnes malades jouent un rôle premier dans la co-construction et la mise en place de ces nouvelles politiques de santé, de ces nouvelles pratiques de soins et de la recherche dans ces domaines.
Aujourd’hui, le recovery oriented care est une approche privilégiée en santé mentale au Québec et aux Etats-Unis qui permet en outre de lutter contre la violence et la discrimination dont font l’objet les personnes les plus vulnérables. Il est transposable en France sous certaines conditions [qui ont fait l’objet de clarification lors du colloque mentionné] ».
Organisation sanitaire en milieu carcéral, de 1945 à nos jours
1945 : Les promesses de réforme
Les prisons d’après-guerre sont surpeuplées, vétustes et manquent de moyens. Dès 1944, la Commission Charpentier sera chargée de réfléchir sur les mesures d’une vaste réforme pénitentiaire et sur la garantie aux détenus d’un suivi social et médico-psychologique.
Dès 1943, des assistantes sociales et des infirmières du Secours National et de la Croix-Rouge tentèrent de rendre plus vivables les conditions d’incarcération en palliant les pénuries alimentaires et vestimentaires, avec la mission particulière, pour les assistantes sociales, de préparer la sortie et la réinsertion du détenu.
En effet, les établissements étaient vétustes, surpeuplés (la population carcérale a plus que triplé entre 1939 et 1946) et les finances manquaient. Dans ce contexte, on a multiplié par quatre les effectifs du personnel, mais recruté en urgence, il n’avait pas toujours toutes les compétences nécessaires.
De plus, le suivi psychologique individuel qui existait déjà, assuré par le Service d’anthropologie pénitentiaire, a permis de révéler que nombre d’incarcérés étaient aliénés ou déséquilibrés, et en cela n’avaient pas leur place en prison.
Depuis 1930 et la Loi de défense sociale, ils devaient, sans être déclarés irresponsables, être envoyés dans des établissements appropriés pour y subir des traitements scientifiques.
Par arrêté du 9 décembre 1944, une commission présidée par le bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris, Maître Charpentier, est réunie pour fixer les lignes directrices d’une réforme pénitentiaire.
Sa réflexion porte sur de nombreux aspects : peine privative de liberté, reclassement social du condamné, traitement infligé, accidents survenus pendant le travail, isolement, répartition des détenus, exécution des peines, libération conditionnelle, formation du personnel pénitentiaire.
Quatorze déclarations de principes seront faites par la Commission. La dixième propose : « Dans tout établissement pénitentiaire doit fonctionner un service social et médico-psychologique ».
Ce n’était pas une révolution mais davantage une mesure s’inscrivant dans la continuité du Service d’anthropologie pénitentiaire.
Cependant, cette commission initiait une nouvelle considération de la prison, notamment en matière psychiatrique : par la suite, et dès 1950, on a créé deux établissements spécialisés pour recevoir des détenus ayant des troubles mentaux ; on a créé également quatorze annexes psychiatriques dans les maisons d’arrêt, chargées de dépister les troubles mentaux chez les détenus.
Cependant, les manques de finances et de personnels ont conduit assez rapidement à la fermeture de la plupart de ces annexes.
Des constats peuvent donc être faits sur les années d’après-guerre : la psychiatrie est aussi mal organisée en prison qu’ailleurs, peu de place à l’intérieur des établissements pénitentiaires pour des tiers extérieurs, une distinction se crée entre les médecins des prisons et les autres, la prison ne reconnait pas un droit à la santé ni ne garantit un accès aux soins, mais des médecins et des infirmiers commencent à remettre tout ceci en cause.
Des années 1960 aux années 1990 : Le décloisonnement de la prison
Cette période est marquée d’une part par l’émergence d’une déontologie de la médecine de prison et par la mise en place d’un contrôle sanitaire, confié à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et d’autre part par le rattachement du secteur psychiatrique pénitentiaire aux hôpitaux publics.
On note aussi une volonté des médecins des prisons de réaffirmer leur implication auprès des détenus, leur volonté de respecter la déontologie et de procurer les meilleurs soins de santé aux détenus, et ainsi, d’une certaine façon, d’être assimilés aux médecins de ville.
Dans les années 1960, la situation n’est pas vraiment plus satisfaisante : le premier Inspecteur général de l’administration pénitentiaire, le docteur Georges Fully, soulignera le manque de moyens, tant en personnel qu’en matériel (le médecin devait apporter son propre matériel).
Le 19 décembre 1972, avec d’autres médecins, il remet au Garde des sceaux une motion rappelant l’indépendance professionnelle des médecins de prison et leur volonté de respecter la déontologie.
En effet, le « médecin pénitentiaire est confronté à une exigence morale d’assistance à des problèmes humains et sociaux spécifiques aux détenus », en plus de devoir soigner et faire de la prévention.
En réalité, il s’agissait là d’un rôle nouveau pour lequel les médecins des prisons demandaient reconnaissance et encouragements.
Signalons que, quelques années plus tard, dans le Code de déontologie médicale établi par le décret 79-506 du 28 juin 1979, l’article 8 consacre l’idée qu’un « médecin sollicité ou requis pour examiner une personne privée de liberté ou pour lui donner des soins ne peut […] favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité ».
À noter que cet article faisait aussi obligation à ce médecin, sous réserve de l’accord du détenu, d’informer l’autorité judiciaire en cas de sévices ou mauvais traitements.
Dans l’élan, la nouvelle Inspectrice générale de l’administration pénitentiaire, Solange Troisier, initie le Serment d’Athènes du 10 septembre 1979, qui énonce notamment que les médecins des prisons s’engagent à « procurer les meilleurs soins de santé à ceux qui sont incarcérés, quelle qu’en soit la raison ».
Ensuite, trois textes interviennent :
- Le premier, le décret 84-77 du 30 janvier 1984 modifiant certaines dispositions du Code de procédure pénale, confie à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) le contrôle sanitaire en milieu carcéral. Ainsi, pour la première fois, des personnes indépendantes de l’administration pénitentiaire sont chargées du contrôle de l’hygiène et de l’organisation générale des soins en milieu carcéral.
- Le deuxième est la loi 85-772 du 25 juillet 1985 qui crée le secteur psychiatrique pénitentiaire et donne une autonomie institutionnelle à ce pôle psychiatrique, qui sera alors rattaché aux hôpitaux publics.
- Le troisième texte est un arrêté du 14 décembre 1986 qui crée le Service médico-psychologique régional (SMPR).
Enfin, en 1989, des conventions sont mises en place entre les établissements pénitentiaires et des Centres d’information et de soin de l’immunodéficience humaine (CISIH) pour réagir au développement du Sida.
Cependant, si le secteur psychiatrique échappe à l’administration pénitentiaire pour échouer aux hôpitaux publics, le secteur somatique reste quant à lui sous le contrôle de l’Administration pénitentiaire.
1993 : La santé des détenus comme un objectif de santé publique
Le rapport Chodorge devait, après un constat très critique sur l’organisation sanitaire en milieu carcéral et l’état de santé des détenus, initier une réforme de l’offre de soins aux détenus, avec l’idée centrale de les faire bénéficier d’un accès aux soins de qualité, identique à celui qui était offert à la population générale.
Au début des années 1990, le ministère de la Justice a saisi le Haut comité de la santé Publique (HCSP) afin de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour améliorer la prise en charge sanitaire des détenus. Le HCSP publiera, en janvier 1993, le rapport Chodorge intitulé Santé en milieu carcéral, qui sera le premier rapport officiel dressant un constat critique de l’état de santé des détenus.
En effet, il constate que les locaux sont inappropriés, que le personnel médical manque, tout comme le personnel surveillant (ce qui empêche les hospitalisations), et qu’il y a une rareté des services spécialisés.
On peut y lire : « Le dispositif sanitaire actuel n’est pas à la hauteur des exigences précédemment évoquées malgré des avancées notables intervenues depuis quelques années ».
L’absence de savoir-faire et de légitimité de [l’administration pénitentiaire] à concevoir des politiques de santé et à assurer le repérage systématique des besoins des détenus en la matière, le recours à des personnels sanitaires de statuts très disparates, la précarité de leurs modes de rémunération nuisent à la capacité des services médicaux des établissements pénitentiaires à assurer convenablement la continuité des soins et à définir un véritable projet de service dans l’établissement ».
Les auteurs soulignent alors qu’« il est indispensable que les personnes incarcérées puissent bénéficier dans leur ensemble d’un accès aux soins de qualité identique à celui qui est offert à la population générale ».
Aussi ont-ils souhaité mettre l’accent sur trois priorités : la médecine préventive (dépistage du VIH, de la tuberculose, de la syphilis, du tabagisme, de l’alcoolisme, mais aussi information et éducation du personnel et des détenus), l’accès aux soins somatiques, et la prise en charge de la santé mentale.
La mise en œuvre de cette réforme a donc failli se faire dans l’urgence, et par décret.
À l’approche des législatives de mars 1993, avec la conscience de l’urgence à agir, le gouvernement publie le décret 93-704 du 27 mars 1993 relatif aux soins dispensés en milieu pénitentiaire par les établissements publics de santé, qui devait entrer en vigueur le 1er juillet 1993.
Ce décret n’a jamais été appliqué du fait de son abrogation par le décret 94-929 du 27 octobre 1994 relatif aux soins dispensés aux détenus par les établissements de santé assurant le service public hospitalier, à la protection sociale des détenus et à la situation des personnels infirmiers des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire, pris en application de la loi 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.
En effet, « il est apparu que certaines dispositions, telle l’implication des caisses d’assurance maladie, justifiait l’intervention du législateur en application de l’article 34 de la Constitution de 1958 ».
Tout ceci explique qu’il ait fallu attendre 1994 pour assister à la réorganisation de l’offre de soins en prison.
1994-1995 : La réorganisation des soins aux détenus
La loi de 1994 a confié au service public hospitalier la charge d’assurer les examens de diagnostic et les soins, dispensés selon les cas en milieu pénitentiaire ou en milieu hospitalier. Sont alors mises en place de véritables unités de soins, garantissant aux détenus l’accès à un personnel médical et à une offre de soins de qualité.
1994 : La loi portant réforme pénitentiaire
Dans le souci d’améliorer les conditions de détention, et sans doute également dans l’optique de remettre en cause l’idée selon laquelle la médecine pénitentiaire est une sous-médecine, exercée par des professionnels inférieurs la loi 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, et son décret d’application 98-1099 du 8 décembre 1998, ont en profondeur réorganisé le système d’accueil des personnes incarcérées.
Pour cela, la loi a étendu le bénéfice de la protection sociale à l’ensemble des détenus, par une affiliation dès leur incarcération au régime général de la Sécurité sociale, et a transféré au service public hospitalier la prise en charge sanitaire des détenus.
En préliminaire, il convient de rappeler que, depuis 1898, existe l’Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF), spécifiquement réservé à l’hospitalisation, hors urgence et hors psychiatrie, des personnes détenues.
Mais depuis la loi de 1994, le service public hospitalier est chargé d’assurer les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, ainsi que de concourir aux actions de prévention et d’éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.
Dans ce contexte, pour ce qui s’agit des consultations et des soins ambulatoires, chaque directeur d’Agence régionale d’hospitalisation (ARH) désigne, pour chaque établissement pénitentiaire de la région, un établissement hospitalier à proximité chargé de dispenser les soins aux détenus, de participer à l’accueil et au traitement des urgences, de concourir aux actions de prévention et d’éducation pour la santé.
L’établissement hospitalier doit alors créer au sein de l’établissement pénitentiaire, à la place des anciennes unités médicales une Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), animée par une équipe hospitalière, et lui fournir tout l’équipement pour dispenser les consultations en médecine générale et en médecine spécialisée.
L’établissement hospitalier doit élaborer un programme de prévention et d’éducation à la santé, auquel il associe notamment les organismes d’assurance maladie.
Pour ce qui s’agit des hospitalisations, la loi prévoit qu’en absence d’urgence, elles peuvent être réalisées au sein de l’établissement hospitalier désigné par le directeur de l’ARH.
En cas d’urgence, elles se font dans des Unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), présentes dans huit établissements hospitaliers figurant sur une liste fixée par arrêté.
Il faut noter que cela implique de prévoir une organisation spécifique et sécurisée (pour le déplacement du détenu, les fouilles, la présence du personnel pénitentiaire pour assurer la garde…) au sein même de l’établissement hospitalier d’accueil.
La loi de 1994 prévoit que l’établissement pénitentiaire doit, outre le fait d’être rattaché à un établissement hospitalier, disposer d’un Service médico-psychologique régional (SMPR) placé sous l’autorité d’un psychiatre, praticien hospitalier, assisté d’une équipe pluridisciplinaire.
En cas de nécessité d’hospitaliser un détenu pour trouble mental, cela se fait au sein d’une Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de l’établissement hospitalier.
Il convient de noter que, même en cas de nécessité d’isolement du détenu, le volet sanitaire de la mesure n’est pas oublié.
En effet, c’est la loi 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui crée la rétention de sûreté.
Il s’agit d’un placement dans des Centres médico-socio judiciaires de sûreté, à titre exceptionnel, des personnes condamnées à des peines de quinze ans et plus, présentant une particulière dangerosité et souffrant d’un trouble grave de la personnalité.
Le décret 2008-1129 du 4 novembre 2008 relatif à la surveillance de sûreté et à la rétention de sûreté précise le fonctionnement de ces centres, et notamment la prise en charge médicale, psychologique et sociale.
Il convient de citer le rapport de l’IGAS, intitulé L’organisation des soins aux détenus : rapport d’évaluation, faisant suite à une note du ministre de la justice et du secrétaire d’État à la santé du 20 juin 2000 demandant conjointement à l’IGAS et à l’Inspection générale des affaires judiciaires (IGAS) d’évaluer l’organisation des soins et l’hygiène des détenus au regard notamment de la loi du 18 janvier 1994.
Le rapport revient tout d’abord sur les progrès accomplis dans la prise en charge sanitaire de la population carcérale. Il examine ensuite les différents blocages et les principales lacunes du dispositif de soins. La dernière partie du rapport est consacrée aux recommandations de la mission.
1995 : Le projet Santé en prison du bureau régional de l'OMS pour l'Europe
En 1995, le bureau régional de l’OMS pour l’Europe a lancé le projet Santé en prison avec le soutien du centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la santé en prison.
À la demande des États membres participant à cette initiative, ce projet a permis d’examiner toutes les questions et problématiques ayant une incidence sur la santé des femmes en milieu carcéral et, en particulier, les disparités flagrantes existant à cet égard.
2009 : État des lieux du droit d'accès aux soins des femmes détenues et des détenus en général
L'Étude OMS Santé des femmes en milieu carcéral et la Déclaration de Kiev
L’OMS a réalisé en 2009, dans l’élan du projet Santé en prison de 1995, une étude intitulée « Santé des femmes en milieu carcéral. Éliminer les disparités entre les sexes en matière de santé dans les prisons ».
Il faut noter que cette étude a servi de document de base à une déclaration commune de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en avril 2009, dite Déclaration de Kiev qui souligne que les représentants des États parties sont conscients du fait que « la prévalence des problèmes de santé mentale est élevée chez les femmes en prison et, le plus souvent, ces problèmes ne sont pas abordés de manière adéquate (stress post-traumatique, troubles dus à la consommation de substances psychotropes) ».
Plus précisément, la déclaration fait état de ce que « les maladies mentales, y compris les problèmes liés à la toxicomanie et les traumatismes, sont rarement prises en compte », et que « les pouvoirs publics et responsables politiques des États membres devraient impérativement examiner leurs politiques et services actuels ».
Cette étude tend alors à démontrer la « nécessité d’un changement et d’innovations pour améliorer l’état actuel des systèmes de santé et de justice pénale et l’état des prisons pour femmes dans toute l’Europe et le reste du monde ».
La santé des femmes sous le prisme de leur entrée en prison
Sur le même sujet il convient de citer l’ouvrage intitulé « La santé des femmes en France », publié en 2009 par la DREES.
Cet ouvrage collectif dresse le bilan de l’état de santé des femmes en France, en focalisant ses observations sur divers aspects de la santé : santé sexuelle et reproductive, périnatalité, maladies infectieuses, maladies chroniques et vieillissement, cancer, addictions et toxicomanie, santé mentale, accidents et traumatismes, santé et travail, santé et précarité.
Les données proviennent de deux enquêtes réalisées en 1997 et 2003 dans les Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), d’une troisième enquête, réalisée en 2001, décrivant la population prise en charge dans les Services médico-psychologique régionaux (SMPR) et d’une exploitation, pour l’année 2003, des rapports d’activité des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et de psychiatrie générale.
Cet ouvrage démontre « la nécessité d’une approche sociale pour l’analyse des problèmes de santé afin d’orienter au mieux les politiques de santé. La réduction des inégalités de santé, qui demeurent importantes ou même s’aggravent, est un objectif crucial ».
En effet, outre le fait que les femmes sont peu nombreuses en prison, où elles représentaient 4,5 % des entrants en 2003, on y apprend que :
- Les femmes arrivant en prison sont plus touchées que les hommes par le sida et l’hépatite B. Les taux de « séroprévalence » s’élèvent, pour elles, respectivement à 3,8 % et 2 % contre 0,9 % et 0,8 % pour les hommes. En revanche, elles déclarent être atteintes par l’hépatite C un peu moins souvent que les hommes (2,6 % contre 3,2 %) ;
- À l’issue de la visite médicale d’entrée, un examen d’imagerie (hors dépistage de la tuberculose et radio dentaire) a été préconisé à un peu plus d’une femme entrant en prison sur quatre contre un peu moins d’un homme sur six. De même, la prescription de consultations spécialisées pour au moins un des problèmes somatiques retenus dans l’enquête a été plus fréquente pour elles et a concerné environ une femme sur dix contre environ un homme sur seize ;
- La nécessité d’un suivi psychologique est apparue aux médecins plus fréquente pour les femmes entrant en prison que pour les hommes : hors motifs liés à l’alcoologie et à la toxicomanie, une consultation spécialisée en psychiatrie a été prescrite à environ une femme sur sept et un homme sur onze ;
- Les troubles les plus fréquents repérés chez les femmes par les psychiatres étaient les troubles anxieux (67 % contre 55 % chez les hommes) et les troubles dépressifs (45 %).
Projet de loi pénitentiaire d'octobre 2009
Ce dernier projet de réforme se place dans le prolongement des réformes précédentes, en continuant de confier au service public hospitalier la prise en charge de la santé des personnes détenues, avec le souci de leur garantir un accès aux soins identique à celui dont bénéficie l’ensemble de la population.
Le projet de loi pénitentiaire du 28 juillet 2008, sur lequel le gouvernement a déclaré l’urgence le 20 février 2009, a été adopté définitivement le 13 octobre 2009 par la commission mixte paritaire.
Ce sont les articles 45 à 56 qui encadreront la prise en charge des détenus. À noter que le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 octobre 2009 par 60 parlementaires pour qu’il contrôle la constitutionnalité de ce texte.
Dans l’exposé des motifs du texte initial, on peut lire que le gouvernement propose de consacrer le droit à la santé des détenus et la prise en charge des soins qui leur sont dispensés par le service public hospitalier et qu’il entend également prévoir des aménagements destinés à concilier les dispositions de droit commun relevant du Code de la santé publique applicables aux détenus et les impératifs de sécurité que commande la situation carcérale.
Le texte adopté énonce notamment, dans son article 46, que la prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le Code de la santé publique (Al. 1er), que la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population (Al. 2) et qu’un protocole signé par le directeur général de l’agence régionale de santé, le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef de l’établissement pénitentiaire et le directeur de l’établissement de santé concerné définit les conditions dans lesquelles est assurée l’intervention des professionnels de santé appelés à intervenir en urgence dans les établissements pénitentiaires, afin de garantir aux personnes détenues un accès aux soins d’urgence dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population (Al. 3).
Ce texte affiche clairement la volonté du législateur de garantir aux personnes détenues un accès aux soins dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population. C’est en cela que ce texte est dans la continuité des textes antérieurs qui visaient à éviter que la médecine en milieu carcéral soit une médecine inférieure.