Domiciliation des personnes sans domicile stable

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Le rapport 2024 de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement révèle que le nombre de personne sans domicile stable a doublé depuis dix ans. Il estime à plus d’un million les personnes privées de logement personnel et ayant par conséquent besoin d’une domiciliation. Parmi ces personnes, certaines sont sans domicile, vivent dans un habitat de fortune, sont hébergées dans un hôtel ou encore vivent en hébergement « contraint » chez un tiers. 

La domiciliation est un droit qui permet aux personnes sans domicile stable de disposer d’une adresse pour recevoir du courrier et bénéficier des aides et prestations sociales auxquelles elles peuvent prétendre. La domiciliation est une nécessité qui constitue un élément essentiel de la lutte contre le non-recours aux droits. 

La domiciliation des personnes sans domicile stable : définition et cadre juridique 

Définition

Prévue par le Code de l'action sociale et des familles (CASF), la domiciliation permet à une personne sans domicile stable de disposer d’un justificatif de domicile et d’une adresse pour recevoir du courrier afin :

  • d’accéder à ses droits civiques : délivrance d’un titre national d’identité, inscription sur les listes électorales, etc. ;
  • d’accéder à ses droits sociaux : versement des aides et prestations sociales auxquelles elle peut prétendre ;
  • de remplir ses obligations fiscales et de service national. 

Cadre juridique

La loi Dalo du 5 mars 2007 établit un « droit à la domiciliation » au bénéfice des personnes dépourvues de résidence stable. La loi ALUR du 24 mars 2014 poursuit la démarche de clarification du dispositif en supprimant la procédure spécifique applicable pour l’attribution de l’aide médicale d’État (AME). Ce cadre juridique, codifié aux articles L. 264-1 et suivants du CASF, a pour effet de simplifier les règles applicables en matière de domiciliation afin de garantir l’effectivité de ce droit.

Le dispositif de domiciliation : les publics concernés

Le dispositif de domiciliation s’adresse aux personnes sans domicile stable, qui ne disposent pas d’une adresse leur permettant de recevoir et de consulter leur courrier de manière constante et confidentielle (personnes hébergées de façon très temporaire par des tiers, personnes vivant en bidonville ou en squat, personnes sans abri vivant à la rue, etc.). 

Le cas spécifique des personnes hébergées en centre d’hébergement 

Les personnes hébergées de manière stable au sein des centres d’hébergement, pouvant recevoir leur courrier de façon constante et confidentielle, ne sont pas éligibles à la procédure de domiciliation. Elles sont considérées comme domiciliées au sein de ces centres d’hébergement, qui leur délivrent un certificat d’hébergement pour leurs démarches administratives.

Le cas spécifique des demandeurs d'asile

Les demandeurs d’asile bénéficient d’un dispositif de domiciliation spécifique (les règles relatives à la domiciliation de droit commun ne leur étant pas applicables). 

Leur domiciliation doit s’effectuer par les structures d’hébergement du dispositif national d’accueil (DNA) les hébergeant de manière stable (CADA, HUDA, etc.) ou par toute structure d’hébergement bénéficiant de financements du ministère chargé de l’Asile. 

À défaut d’hébergement stable, la domiciliation s’effectue par les structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA). Ces structures remettent aux intéressés une déclaration de domiciliation d’une durée d’un an renouvelable. 

Les organismes de domiciliation

Il est possible d’effectuer une demande de domiciliation auprès d’un centre d’action sociale (centre communal ou intercommunal d’action sociale – CCAS ou CIAS), d’une commune de moins de 1 500 habitants ou d’un organisme agréé par le préfet de département. 

Les centres d’action sociale (CCAS ou CIAS)

Les centres d’action sociale ont l’obligation de domicilier des personnes ayant un lien avec la commune ou le groupement de communes. En l’absence de ces centres, la domiciliation est effectuée par les services de la mairie. 

Le lien avec la commune peut être constaté par tout moyen (témoignages, présence notoire, attestation sur l’honneur, etc.). La preuve du lien avec la commune peut donc se faire par la seule déclaration de la personne concernée, sans nécessité de fournir de justificatifs. 

Le refus pour saturation ne peut être invoqué par les centres d’action sociale. Les seuls motifs de refus sont l’absence de lien avec la commune et la présence d’un domicile stable avec la capacité d’y recevoir son courrier de façon stable et confidentielle. 

Les organismes agréés 

Les organismes pouvant domicilier des personnes sont agréés par le préfet de département. Ces structures peuvent refuser l'élection de domicile uniquement dans les cas prévus par leur agrément. Ce dernier peut déterminer un nombre d’élection de domicile maximal, limiter son activité à certaines catégories de personnes ou à certaines prestations sociales.

La procédure de domiciliation

La demande de domiciliation peut se faire auprès des organismes domiciliataires via un formulaire de demande d’élection de domicile ou par voie électronique, uniquement auprès des centres d’action sociale. Les structures en accusent réception et y répondent dans un délai de deux mois. 

Après accord de la demande d’élection de domicile, les personnes prises en charge reçoivent une attestation d’élection de domicile. Elle est accordée pour une durée d’un an et est renouvelable de droit dès lors que l’intéressé en remplit toujours les conditions. 

En cas de refus de la demande et dans un délai de deux mois maximum, le demandeur peut formuler : 

  • un recours gracieux auprès de l’autorité hiérarchique ou direction de l’organisme domiciliaire ;
  • un recours contentieux devant le tribunal administratif ; 
  • un référé-suspension ou un référé-liberté auprès du juge administratif.

Le budget pour soutenir l’activité de domiciliation 

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit depuis 2021 des crédits à destination des organismes agréés pour soutenir la domiciliation par l’augmentation des domiciliations et la réduction des délais d’attente. D’une valeur de 7,5 millions d’euros en 2021 et 2022, les crédits ont été portés à 10 millions d’euros en 2023. 

Depuis février 2023, l’État prévoit également un crédit spécifique pour les centres communaux d’action sociale rencontrant des difficultés à répondre aux demandes de domiciliation. 

Avec les crédits liés à la revalorisation salariale des travailleurs sociaux (639 600 euros), le budget de la domiciliation s’élève à 10 639 600 millions d’euros en 2024.

Les outils d’accompagnement à la domiciliation

Les groupes de travail

Depuis 2021, le sujet de la domiciliation fait l’objet de groupes de travail constitués de représentants de l’Union nationale des centres communaux d’actions sociales (Uncass), de représentants associatifs nationaux œuvrant pour la domiciliation et des services déconcentrés de l’État à l’échelon départemental ou régional. Les travaux portent notamment sur les évolutions du dispositif, l’animation territoriale et l’utilisation des moyens financiers. 

Le guide juridique de la domiciliation des personnes sans domicile stable

Le guide juridique de la domiciliation des personnes sans domicile stable s’adresse aux acteurs de la domiciliation (CCAS, CIAS, organismes agréés et organismes d’accompagnement social). Il précise le cadre légal et réglementaire du dispositif de domiciliation et constitue un outil précieux pour l’accompagnement efficace des personnes lors de leurs démarches de domiciliation.

Kit de communication

Pour mieux faire connaître le dispositif de la domiciliation des personnes sans domicile stable, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en lien avec les acteurs, a conçu un kit de communication :