Vague 5 du baromètre de suivi qualitatif de la pauvreté et l’exclusion sociale du CNLE 

Quelques grandes tendances se dégagent des remontées de terrain

Publié le | Temps de lecture : 6 minutes

Le logement, sujet transversal dans les difficultés rencontrés 

D’une vague à l’autre, les réponses des acteurs confirment la persistance des difficultés rencontrées pour l’accès et le maintien dans le logement. Plus encore que lors des vagues précédentes, elles alertent par ailleurs sur l’engorgement des structures d’hébergement.

Une offre de logement de plus en plus restreinte, qui impacte les structures d’hébergement

Les loyers et les charges de l’offre locative sont en hausse, alors que les difficultés financières augmentent le risque d’expulsion, certains des répondants de la vague 5 signalant une hausse des expulsions locatives. Ces tensions se répercutent sur l’offre d’hébergement, et des publics jusque-là prioritaires ne trouvent plus de solutions ou voient se dégrader la qualité des solutions qui leur sont proposées.

Les personnes les plus concernées par ces difficultés de logement sont celles dont la situation exigerait une mobilité résidentielle 

  • Les jeunes à la recherche d’un premier logement ;
  • Les femmes avec enfants, victimes de violences interfamiliales ou, plus généralement, les personnes en instance de divorce ;
  • Les salariés en mobilité professionnelle notamment à revenus modestes ;
  • Des ménages vivant dans des logements inadaptés à leur taille, ou bien non décents mais qui restent dans leur logement inadapté par absence d’alternative.

L’inflation entraîne des tensions budgétaires qui provoquent des difficultés en cascade

Comme lors des vagues précédentes, les acteurs s’alarment des difficultés provoquées par les tensions budgétaires, qui se traduisent notamment par une dégradation de la situation sanitaire et sociale et un risque important de voir des ménages bien insérés socialement et professionnellement, basculer dans des situations d’exclusion. Cette précarisation concerne également les enfants, avec des difficultés d’exercer sa parentalité dans les familles soumises à de fortes tensions budgétaires voire sans domicile

Un durcissement du marché du travail et des retraités de plus en plus nombreux à chercher un emploi

À l’été 2024, les réponses au baromètre révèlent la présence de cinq catégories de publics en recherche d’emploi. Les retraités et les bénéficiaires du RSA éloignés de l’emploi font partie des nouveaux publics.

On peut noter que le coût de la mobilité, comme les difficultés de logement, constituent des freins à l’insertion professionnelle de certains publics : les jeunes, ou encore les personnes éloignées des bassins d’emploi. Selon certains des répondants au baromètre, les retraités sont de plus en plus nombreux à chercher un emploi permettant de compléter des pensions de retraite.

Ils observent l’arrivée croissante de publics ne parvenant pas à se maintenir dans l’emploi, avec en particulier, une hausse du nombre de personnes licenciées, d’intérimaires, de personnes diplômées d’un baccalauréat ou ayant fait deux ou trois années d’études post bac et d’indépendants, en particulier des agriculteurs, qui n’ont pu maintenir leur activité et qui sont parfois endettés.

Les difficultés d’accès aux droits face à l’administration persistent

Les acteurs estiment que les difficultés liées au numérique et à la fermeture des accueils physiques pour accéder à ses droits sont en hausse. De manière marginale, certains relèvent une amélioration lorsque des actions spécifiques d’accompagnement sont mises en œuvre sur un territoire. Les délais d’attente sont toujours décrits comme anormalement longs, contribuant à dégrader des situations déjà fragiles : les répondants signalent une hausse des indus, des contrôles et une situation qui s’aggrave pour les personnes de nationalité étrangère. 

Ils signalent une insuffisante prise en charge des différentes problématiques psychologiques (mal-être, dépressions, addictions, maladies psychiatriques) et plus généralement le manque de structures et de professionnels pouvant accompagner les enfants et les jeunes. Ces difficultés d’offres dans le secteur psychiatrique comme en médecine de ville laissent un nombre croissant de patients sans solution. Quelques-uns alertent également sur l’aggravation de la situation des habitants des déserts médicaux, notamment pour les plus âgés d’entre eux.

Les inquiétudes pour le plus long terme : difficultés structurelles et signaux faibles

Dans les phénomènes récents ou en hausse qui inquiètent les acteurs, les répondant alertent sur le devenir de ces enfants, de plus en plus nombreux à grandir sans cadre structurant. Ils craignent une dégradation des conditions d’accès comme des possibilités de maintien dans le logement, ou dans les structures d’hébergement et relèvent également les difficultés :

  • du secteur de l’enfance et de la petite enfance (établissements d’accueil du jeune enfant, centres médico-psychologiques) qui ne peuvent répondre aux demandes de l’ensemble des publics alors que les besoins de soutien à la parentalité augmentent ;
  • du secteur social et médico-social dans son ensemble : manque de structures, manque d’intervenants avec en conséquence des personnes sans solution et des ruptures de parcours.

Quelques réponses, peu citées par les acteurs, peuvent constituer des signaux faibles de difficultés émergentes 

  • La résurgence de maladies éradiquées telles que la coqueluche, la rubéole, les oreillons. Elle s’explique par l’absence de suivi des enfants d’immigrés, venant de pays à faible couverture vaccinale. Le manque de médecins référents ne permet pas de s’assurer de l’effectivité de la vaccination de ces enfants ;
  • La hausse du nombre de jeunes déscolarisés, et sans aucun contact avec les institutions ni avec les structures. Certains acteurs observent une perte de contact total entre les structures chargées de leur accompagnement (y compris l’école) et les jeunes, à un âge de plus en plus précoce ;
  • Des publics qui font le constat que les structures d’aide n’ont plus la capacité de les accompagner, ou de leur proposer des solutions, et qui abandonnent tout contact.

Des crispations dans la société, révélées par le discours des acteurs 

Dans les points de fracturation, ainsi que les tensions ressenties par les professionnels eux-mêmes au sein de leurs structures, ils décrivent comme lors des vagues précédentes, la montée de l’agressivité, d’une forme de colère, ou de repli sur soi en réponse à des situations de plus en plus précaires et un accès aux droits restant très complexe. Une banalisation de la violence parmi les plus jeunes, y compris des adolescents ou préadolescents est également évoquée par des répondants.

Ils décrivent le manque de perspectives, d’espoir des personnes, concernant une amélioration de leur situation, tant financière qu’administrative et la distance croissante entre les usagers et les institutions qui s’accroissent, avec le sentiment que les institutions sont d’abord des organismes de contrôle avant d’être aidantes. Certains acteurs notent par exemple le fort développement des emplois non déclarés et de l’économie informelle

Les répondants notent par ailleurs les effets de certains discours politiques qui impact leurs publics : par exemple les personnes de nationalité étrangère qui ne parviennent plus à trouver un emploi du fait de la frilosité des employeurs en réaction aux débats sur la loi immigration. Ils citent également la situation de bénéficiaires du RSA qui ressentent un fort sentiment de stigmatisation ou de culpabilité.

Du côté des acteurs eux-mêmes, les demandes des financeurs sont ressenties comme de plus en plus en décalage avec la réalité du terrain avec des répercussions sur le sens du travail. Dans la lignée des vagues précédentes du BaPE, ils restent préoccupés par les difficultés de recrutement et la baisse des moyens alors que la demande augmente.

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