Lancement des États généraux des maltraitances envers les adultes en situation de vulnérabilité

Lundi 6 mars 2023

Publié le | Temps de lecture : 8 minutes

Prise de parole de Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, le 6 mars 2023 lors du lancement des États généraux contre les maltraitances.

Seul le prononcé fait foi.

Merci beaucoup, Madame la ministre,

Mesdames, Messieurs les parlementaires ; à distance, puisque vous êtes ici en présentiel, mais de nombreuses personnes nous suivent à distance, qu'ils soient salués.

Mesdames, Messieurs, je voudrais commencer en remerciant nos deux intervenantes pour leur témoignage. Je sais que vous l'avez fait avec du coeur. Je sais que vous l'avez fait aussi avec beaucoup de confiance. Cette confiance nous oblige et vous pourrez compter sur notre détermination et notre engagement pour que vos mots soient utiles et se transforment demain en actions.

Les États généraux des maltraitances que nous avons souhaités, avec Alice Casagrande, c'est d'abord de donner la parole à ceux qui sont concernés, à ceux qui vivent au quotidien avec les personnes concernées, pour que nous puissions changer les choses.

Madame la ministre, vous l'avez dit dans votre propos, c'est un jour qui est important, attendu, je crois, depuis trop longtemps, de nombreuses années, et je suis vraiment heureux de pouvoir vous accueillir ce matin.

Heureux, je ne sais pas si on peut le dire parce que ce sont des sujets qui en général, sont très difficiles. Mais on peut les aborder, je crois, avec optimisme. Avec l'optimisme farouche de ceux qui souhaitent vraiment, en s'engageant, pouvoir changer les choses.

On partage avec Geneviève Darrieussecq le sentiment qu'il y a urgence, et je sais aussi que c'est ce qui nous réunit aujourd'hui. Il faut qu'on lutte contre les maltraitances faites aux adultes vulnérables.

C'est l'une des priorités que je me suis fixées dans le cadre du mandat qui m'a été donné par le président de la République et la Première ministre. Vous pouvez compter sur ma détermination pour aller jusqu'au bout.

Une personne qui attend le concours d'une autre, d'un proche, d'une institution, car elle ne peut pas résoudre seule une difficulté ou faire face à une tâche... Depuis quelques années, ce mot parfois dur à prononcer a pris de plus en plus de place dans nos esprits, dans les médias et dans les échanges entre professionnels.

Les chiffres du CREDOC sont éloquents. En novembre 2022, les Français plaçaient les maltraitances au second rang de toutes les inquiétudes, juste après les maladies graves. Plus ils se disaient vulnérables, isolés, en difficulté sociale ou de santé, plus ils se disaient inquiets à ce sujet.

Nous pourrions parler de tous les facteurs qui ont conduit les Français à un tel niveau de peur, mais notre devoir est de répondre aux 63 % d'entre eux qui demandent une action plus forte de l'État. Nous n'avons pas décidé de la construire pour, mais avec, c'est le but de ces États généraux.

À la Croix-Rouge française, j'ai compris l'importance de la construction des décisions publiques. J'ai demandé aux instances de travailler ensemble et de nous faire des propositions.

Aujourd'hui, nous ouvrons une nouvelle étape, celle de la mobilisation générale, citoyenne. Cette étape, je souhaite qu'elle soit celle de la libération de la parole, essentielle à toute avancée.

On ne peut plus se contenter de circuits administratifs, aussi performants soient-ils, s'il n'y a personne pour lancer des alertes. On ne peut pas se satisfaire d'inspecter les structures si le mal n'est pas nommé en premier lieu. Les solutions sont aussi dans la prévention, les repérages précoces, la pédagogie. Elles se trouvent dans le travail, sur les dilemmes professionnels, dans la coopération des associations et des gestionnaires d'établissements.

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Avant de lancer nos travaux, je voulais soulever ici trois malentendus.

Lorsque j'entends parler de maltraitances, on dit souvent que ce serait accuser, stigmatiser un secteur, pointer du doigt certains professionnels.

Or, avant d'être individuelle, cette maltraitance est institutionnelle. Elle est dans les trous dans la raquette, dans des insuffisances ou manquements collectifs.

À domicile, car il faut en parler, elle survient au sein de la cellule familiale, pas seulement dans le face-à-face d'un professionnel et d'une personne.

À l'approche de la journée du droit des femmes le 8 mars, je tiens à vous rappeler un chiffre effarant : 20 % des féminicides concernent des femmes de plus de 70 ans. L'urgence est là, nous devons agir.

Je veux avec vous porter une vision positive, celle que je rappelais dans mon introduction, et optimiste ; ouvrir le débat sur les maltraitances, c'est combattre ce qui fait du tort à tous, mieux regarder des situations dans leur complexité et certainement pas accuser des professionnels.

Le deuxième malentendu que je souhaitais soulever, c’est l’idée que parler des maltraitances va nuire à l’image du secteur, empêcher les recrutements, décourager les jeunes générations de travailler auprès des personnes en situation de vulnérabilité.

Je le redis ici parce que ça m'a été reproché, on peut tous être d'accord avec cela, je pense. Parler des maltraitances, on peut penser que ça va nuire à l'image de tout un secteur, empêcher des recrutements, et on sait combien les métiers du médico-social, du social, de la santé sont en manque... Je suis persuadé que c'est l'inverse. Les jeunes indignés par l'injustice, sont sensibles aux questions de maltraitances et souhaitent agir.

C'est leur débat avant d'être le nôtre. Souvent, la jeune génération nous a précédés pour lancer des alertes. Et ils resteront d'autant plus longtemps dans ces métiers qu'ils auront connu sur leur terrain d'apprentissage des pratiques respectueuses du droit des personnes et des personnes. Nous voulons créer des vocations durables.

Nous ne pourrons relever ces défis dans des organisations où règne l'omerta, où l'on ne peut pas surmonter les différences en équipe, il faut décloisonner, parler et restaurer la confiance.

Enfin, le troisième malentendu que je veux lever, c'est contre ceux qui disent que l'État serait le premier des maltraitants, que ce serait un comble que ce soit lui qui porte ce sujet.

Je crois que ce sujet doit être porté de manière plurielle. Tout commence avec les personnes concernées car c'est elles qui savent et peuvent.

C'est pour cela que le comité de pilotage est composé de quatre personnes élues dans des instances représentatives des usagers, dans les champs de la lutte contre l'exclusion. Il faut un appui de méthode et un garant de neutralité de la qualité et de l'intégrité de ces travaux.

C'est le sens de la présence dans le suivi de ces États généraux de la représentante de la commission nationale du débat public. Elle suivra toutes les concertations et veillera à ce que toutes les contributions soient respectées dans le rapport final.

Enfin, l'État, ce sont les élus de la République. C'est pourquoi j'ai demandé à deux parlementaires d'intégrer ce comité de pilotage. Merci d'avoir accepté cette lourde tâche.

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Maintenant, avant de conclure, vous dire quelques mots de la façon dont vont se dérouler ces États généraux.

On va se donner cinq mois pendant lesquels les personnes concernées et les professionnels se réuniront pour apporter leurs contributions.

Cinq mois pendant lesquels deux groupes de travail seront installés pour travailler sur le repérage précoce des situations de maltraitance à domicile et l'orientation des victimes, et sur la mobilisation des forces de l'ordre et de la justice pour mieux répondre et prévenir ces maltraitances.

Merci pour leur engagement, les forces de l'ordre et de la justice, il est déjà extrêmement important, vous êtes plusieurs dans cette salle à les représenter. C'est important de dire que les forces de l'ordre, la justice, sont pleinement engagés dans ce combat pour lutter contre les maltraitances.

Cinq mois pendant lesquels toutes les associations, les fédérations, les collectifs citoyenne, pourront faire leurs propositions.

Nous organiserons des webinaires pour permettre à tous de connaître le cadrage et les attendus des contributions. Je souhaite donner toute leur place aux chercheurs, ce sera le cas avec un colloque sur l'inclusion des personnes âgées le 10 mars prochain à Strasbourg, et avec la participation du GHU Paris Neurosciences avec qui nous partagerons les premiers éléments de leur recherche prochainement, merci par avance pour leur contribution.

Associations, collectifs, tous sont les bienvenus dans cette contribution. Je crois à la participation et à l'émulation, la prise d'initiative. C'est cela qui donnera un résultat efficace à ces États généraux.

En juin, un rapport final nous sera remis. À l'automne, je présenterai une stratégie nationale de lutte contre les maltraitances.

Permettez-moi en conclusion de dire tout l'espoir que je place dans cette mobilisation générale et interministérielle, qui est la seule possible pour réellement changer la donne.

L'honneur d'une société se mesure à la place qu'elle accorde aux personnes les plus fragiles, l'inverse, c'est une société qui ne regarderait pas les maux qu'elle inflige aux plus fragiles d'entre les siens, qui fermeraient les yeux sur les plus cruelles des violences.

Accepter de regarder en face, de nommer, c'est un premier pas. Il faut décrire, comprendre les mécanismes à l'œuvre pour proposer des pistes nouvelles, repenser les ressources humaines et les façons de former, diriger les établissements ou encore les organiser et les financer.

Comme cela a été le cas pour les violences faites aux femmes et les maltraitances envers les enfants, nous gagnerons tous à cette démarche de recherche de vérité et de solution envers les adultes les plus vulnérables. Vulnérables, nous le sommes tous, nous le serons tous et toujours.

Ce n'est pas des autres dont il s'agit, mais de chacun d'entre nous.

Je vous remercie.

Photo : Ministères sociaux / DICOM / Cédric Bufkens / Sipa