Avis du CNLE sur la loi pour le Plein Emploi: Pour une sécurisation des droits et des ressources des allocataires du RSA
Pourquoi la loi pour le plein emploi expose à des risques d'exclusion et impose l’instauration d'un revenu plancher pour les allocataires du RSA ?
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Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) publie ce jour son avis sur la loi pour le plein emploi : « Pour une sécurisation des droits et des ressources des allocataires du RSA ».
Dans cet avis, le CNLE développe une analyse des risques d’exclusion sociale induits par la mise en œuvre de la loi « pour le plein emploi » et le dispositif d’accompagnement rénové des allocataires du revenu de solidarité active (ARSA). Le CNLE exprime son inquiétude vis-à-vis d’une loi qui fait porter, de manière disproportionnée, la responsabilité de l’insertion sur les allocataires et ignore les réalités des publics et des emplois qui sont susceptibles de leur être proposés ou qui leur sont accessibles, en fonction de leur territoire. Cette loi vise à favoriser l’emploi, mais sans s’assurer que les moyens financiers et humains, les règles liées au travail et les mesures d’accompagnement social des personnes éprouvant des difficultés soient bien en adéquation avec cet objectif.
Un moratoire sur le « décret sanctions »
Le CNLE demande un moratoire sur le projet de décret d’application de la loi portant sur la modification du régime des sanctions, en soulignant le risque de ruptures de droits et de radiations infondées qu’elles peuvent entraîner, au regard de la situation des personnes déjà fragilisées dans leurs parcours de vie. La mise en œuvre de nouvelles mesures de sanctions fragiliserait également les ménages (puisque les enfants des allocataires sont concernés), que la société doit protéger.
Le CNLE considère que ce renforcement des sanctions est disproportionné au regard du volume, marginal, des situations de fraudes et étend une suspicion à l’encontre de l’ensemble des bénéficiaires de la solidarité nationale. A minima des garde-fous en termes de publicité, d’information et de recours des personnes au regard des sanctions prononcées à leur encontre doivent être introduits dans les textes.
Le CNLE se félicite néanmoins de l’annonce de Madame Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l'Emploi, d’une saisine du CNLE pour se prononcer sur le projet de « décret sanctions » en préparation, « probablement autour de la fin du mois de mars ».
La réciprocité de l’engagement de la collectivité vis-à-vis des allocataires du RSA
Le CNLE considère qu’un équilibre doit être trouvé entre la collectivité et les personnes concernées par le dispositif, en termes de droits et de devoirs réciproques. Cela conduit à infléchir l’esprit du contrat d’engagement et à revenir à la formalisation de droits et de devoirs réciproques de la collectivité et des personnes.
Pour autant qu’il soit conforme à cette vision qui lie les responsabilités des parties prenantes, le CNLE exprime son soutien à un renforcement de l’accompagnement multidimensionnel (non-focalisé exclusivement sur le retour et l’accès à l’emploi), individualisé (prenant en compte les libertés, aspirations et capacités des personnes). Le CNLE souligne la nécessité d’une mise en adéquation des moyens que l’opérateur France travail, les caisses et les collectivités consacrent à l’accompagnement avec cet objectif.
La mise en place d’un « revenu plancher » en cas de sanction
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le CNLE demande l’instauration d’un droit à un « revenu plancher », dont les contours devront être précisés. Celui-ci compenserait les risques de déstabilisation de la situation des publics en contrepartie des sanctions appliquées en cas de manquement au contrat d’engagement.
Le CNLE souligne l’importance de mener à bien une évaluation pluraliste et rigoureuse avant l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la loi
Le CNLE rappelle que l’obligation pour les ARSA d’effectuer 15 heures d’activité exerce : une pression démesurée pour ces publics, une contrainte susceptible de contribuer à faire perdre à la mission d’accompagnement social son sens, et enfin, risque de détourner le bénévolat de son caractère libre. En outre, cette exigence d’un nombre d’heures d’activité entre en tension avec les mesures ayant souligné l’importance de mettre les usagers au centre de l’action sociale et médico-sociale ; exigence inscrite dans la définition du travail social dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF). La mise en œuvre de la loi est porteuse d’un risque d’augmentation du non-recours aux droits et entre en contradiction avec l’objectif de lutte contre le non-recours porté par le Gouvernement et qui donne lieu à l’expérimentation nationale Territoires zéro non-recours (TZNR).