Parole d’experte : comprendre la dénutrition chez les personnes âgées

Semaine nationale de la dénutrition du 17 au 23 novembre 2025

Publié le | Temps de lecture : 7 minutes

La dénutrition est une maladie qui touche près de 2 millions de personnes en France. Elle concerne 5 à 10 % des personnes âgées de plus de 70 ans, 25 % si celles-ci doivent être aidées à domicile par des professionnels. Pour nous aider à mieux comprendre cette maladie silencieuse, la Pr Agathe Raynaud-Simon, gériatre, professeure et cheffe de service à l’Hôpital Bichat à l’AP-HP, nous apporte son éclairage. Dotée d’une spécialisation en nutrition, elle préside le comité liaison alimentation nutrition (CLAN) de l’APHP qui s’occupe d’améliorer le fonctionnement des hôpitaux sur le plan alimentaire. Elle est par ailleurs présidente du Collectif de lutte contre la dénutrition, l’association en charge de l’organisation de la Semaine nationale de la dénutrition qui a lieu cette année du 17 au 23 novembre 2025. 

Qu'est-ce que la dénutrition ?

La dénutrition fait le plus souvent suite à des problèmes de santé, avec une perte d’appétit qui engendre une perte de poids. La personne mange insuffisamment par rapport à ses besoins. Son organisme doit alors piocher dans ses réserves et notamment chercher des protéines dans les muscles. Le tissu adipeux (tissu qui contient les cellules graisseuses) est plus lentement mobilisable. C’est la raison pour laquelle la dénutrition n’est pas forcément liée à une maigreur mais plutôt à une perte poids, que la personne soit de poids normal, en surpoids ou en situation d’obésité. 

La dénutrition concerne 2 millions de personnes en France. La moitié des personnes dénutries ont plus de 76 ans. On estime également que 47 000 enfants sont dénutris, principalement à cause d’une maladie. C’est une maladie silencieuse, insuffisamment diagnostiquée et donc insuffisamment traitée.

Quelles sont les causes de la dénutrition chez les personnes âgées ?

Les causes sont multiples et se cumulent souvent chez les personnes âgées. La perte d’appétit peut provenir d’une maladie grave comme un cancer : 40 % des patients seront dénutris à un moment de leur parcours de soins. Pour cette raison, on insiste beaucoup pour que le soin nutritionnel soit intégré au parcours de soins du cancer. Mais il y a aussi les insuffisances respiratoire, rénale ou cardiaque et les troubles neurodégénératifs comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, où les patients maigrissent beaucoup. Dans d’autres maladies, la douleur et les traitements contre la douleur peuvent également couper l'appétit. 

L’état psychologique (anxiété ou symptômes dépressifs) peut également avoir un impact sur son appétit, tout comme l’isolement social ou la perte d’autonomie. Il existe un cercle vicieux entre dénutrition et dépendance. Lorsqu’on a du mal à se déplacer, on va moins faire ses courses, la cuisine, etc. On va donc moins manger et par conséquent, on va perdre des forces. Cela peut entrainer des chutes, et donc encore plus de dépendance.

Par ailleurs, si les personnes âgées peuvent présenter une dénutrition dès leur arrivée à l’hôpital, leur statut nutritionnel se dégrade souvent pendant leur séjour : une personne âgée a près d’une probabilité de 50 % d'être dénutrie après avoir été hospitalisée.

Quelles sont les conséquences de la dénutrition ?

La principale conséquence de la dénutrition est la perte musculaire qui entraine un affaiblissement de l’organisme et une perte de la mobilité. Chez les personnes âgées, cela se traduit assez rapidement par des troubles de la marche, des chutes, des fractures et puis une réduction du périmètre de marche.

À tous les âges, la dénutrition entraine une fatigabilité, mais aussi une baisse de l’immunité ce qui rend plus vulnérable aux infections ou aux défauts de cicatrisation.

Les études cliniques montrent que lorsque la dénutrition est traitée, le risque d’hospitalisation est diminué, les complications sont réduites, tout comme les taux de réadmission précoce après à la sortie de l’hôpital. La mortalité à l'hôpital est aussi diminuée. 

Quels sont les signes d’alerte d’une personne dénutrie ?

Il n’y a pas forcément de symptômes criants. Les personnes maigrissent mais la perte de poids peut être très progressive. On peut d’ailleurs penser, à tort, que c’est à cause du vieillissement. Or il est important d’insister sur le fait qu’il n’est pas normal de maigrir en vieillissant. Une personne âgée qui vieillit en bonne santé ne maigrit pas. La sensibilisation à la dénutrition est importante en ce sens, pour alerter sur le fait que la perte de poids n’est pas normale chez les personnes âgées.

La meilleure façon de s’en prémunir est de se peser régulièrement, par exemple une fois par mois pour une personne âgée en bonne santé et une fois par semaine pour une personne âgée à la santé fragile. C’est le seul moyen de s’en apercevoir car il peut se passer du temps avant de s’en rendre compte visuellement.

Les troubles bucco-dentaires sont importants à repérer et traiter car ils favorisent la dénutrition, à la fois parce qu’ils limitent les capacités d’alimentation et parce qu’ils peuvent être le témoin d’un état de santé générale plus précaire. 

Que faire en cas de dénutrition ?

L’objectif est de sauver le muscle ! Même avec un bon état de santé, les besoins en protéines d’une personne âgée sont plus importants que ceux d’une personne jeune. En cas de dénutrition, ce besoin augmente d’autant plus. Il est donc nécessaire de consommer des aliments plus denses, plus riches en énergie et en protéines pour reprendre du poids et des muscles. L’activité physique est également indispensable pour reprendre du muscle et notamment l’activité physique adaptée pour les personnes âgées. Parfois, il peut être nécessaire de prendre des vitamines et minéraux. La supplémentation en vitamine D est nécessaire pour entretenir les muscles, comme pour les os. 

Pour les professionnels, il existe deux publications de la Haute Autorité de santé pour diagnostiquer et traiter la dénutrition chez les personnes âgées : 

Comment retrouver l’appétit ?

C'est effectivement un véritable enjeu dans le traitement de la dénutrition : aider à manger des gens qui n'ont pas faim. L’adage « l’appétit vient en mangeant » reste vrai, et il est important de prendre trois repas par jour, auxquels on peut ajouter des collations. Les personnes âgées ont tendance à manger de petits volumes, il faut donc que les plats et les collations soient denses en calories et en protéines pour augmenter les apports nutritionnels des repas. 

Choisir des aliments riches, denses en protéines comme la viande mais aussi le poisson, les œufs, les laitages, qui sont des protéines de bonne qualité. Puis l’énergie s’apporte avec des matières grasses, des produits sucrés, des féculents. Lorsqu’on est en risque de dénutrition, aucun aliment n’est interdit. Il n’y a pas lieu non plus de faire des « régimes ». Les personnes doivent retrouver le plaisir de manger

Si toutes ces recommandations ne suffisent pas, il est possible pour le médecin de prescrire des compléments nutritionnels oraux, en choisissant ceux qui sont hyper énergétiques et hyper protéiques et en les adaptant aux goûts et aux capacités d’alimentation des personnes. Il en existe une très large gamme. Par ailleurs, une consultation diététique par un diététicien permet d’optimiser les conseils alimentaires pour atteindre les besoins nutritionnels.

En combien de temps guérit-on de la dénutrition ?

Le temps de guérison dépend du contexte clinique. Avec un traitement adapté, des effets peuvent apparaître au bout de trois semaines et des améliorations nettes au bout de deux à trois mois. Une prise en charge nutritionnelle peut durer plusieurs mois et nécessiter une surveillance et accompagnement prolongé. Il est par ailleurs plus long de renourrir une personne âgée qu'une personne jeune. 

 

En savoir plus sur la dénutrition 

Documents de référence pour le grand public/aidant :

Documents de référence pour les professionnels :

 

Le collectif de lutte contre la dénutrition

 

Le collectif de lutte contre la dénutrition est une association créée par Agathe Raynaud-Simon et Éric Fontaine en 2016 dans le cadre d'une campagne européenne pour améliorer la sensibilisation à la question de la dénutrition dans tous les pays. Depuis 2020, le collectif est missionné annuellement par le ministère de la santé pour organiser la Semaine nationale de la dénutrition (SND) qui découle du programme national nutrition santé. En 2025, 15 000 actions de sensibilisation sont menées partout en France par des organisations publiques et privées.

 

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